Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2015, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 mai 2015 ;
2°) d'annuler la décision implicite du préfet de Vaucluse rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour au titre de la " vie privée et familiale " ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau et de prendre une décision dans les quatre mois de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- son recours était recevable ;
- elle peut prétendre au regroupement familial ;
- la décision en litige viole les dispositions de l'article L. 313-14, de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le seul lien sanguin entre une mère et son fils suffit pour établir le lien affectif ;
- la décision litigieuse méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Un courrier du 13 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 4 novembre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeC..., de nationalité marocaine, née le 1er avril 1973, a sollicité le 25 septembre 2012 un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que le préfet de Vaucluse qui a enregistré sa demande le 2 octobre 2012, en ayant accusé réception par courrier en date du 24 octobre 2012, ne lui a pas répondu ; qu'une décision implicite de rejet est donc née le 4 février 2013 ; que, suite à un courrier de la requérante en date du 19 mars 2013, le préfet lui a indiqué, par courrier du 15 avril 2013, les motifs au soutien de sa décision ; que, par jugement du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme C..., tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de Vaucluse rejetant sa demande de délivrance d'un titre de séjour au titre de la " vie privée et familiale " ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :(...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;
3. Considérant que Mme C...est entrée en France le 8 août 2011 et s'y est maintenue irrégulièrement au terme du visa Schengen qui lui permettait de séjourner seulement du 19 juillet 2011 au 2 septembre 2011 ; qu'elle a, par suite, déposé auprès de la préfecture de Vaucluse une première demande de titre de séjour le 2 octobre 2012 ; que si Mme C...soutient qu'elle s'est intégrée sur le plan professionnel, bénéficiant d'une promesse d'embauche, et que le centre de ses intérêts privés et familiaux se situe désormais sur le territoire national, dès lors qu'y résident régulièrement son fils aîné Bilal, son père et cinq de ses frères, tous de nationalité française, ainsi que sa mère, ses deux frères et une soeur, en séjour régulier, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où demeurent... ; que la circonstance qu'elle soit divorcée de son époux marocain ne suffit pas à établir l'impossibilité pour elle de reconstruire sa vie privée et familiale au Maroc, pays dont elle est ressortissante ; qu'en outre, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, la présence en France de plusieurs membres de sa famille, parmi lesquels son fils aîné, dont elle et son époux ont délégué l'autorité parentale à son grand-père maternel depuis 2007, ne suffit pas à lui donner droit à la délivrance d'un titre de séjour ; qu'eu égard à ces éléments, en refusant de délivrer un titre de séjour à MmeC..., le préfet de Vaucluse n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit que tient l'intéressée des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de les libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de ces dispositions et stipulations doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
5. Considérant que Mme C...soutient que la décision litigieuse contrevient à l'intérêt de ses enfants ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le père de ses enfants, avec lequel elle est divorcée depuis le 20 juin 2012, réside au Maroc, tout comme deux tantes maternelles des enfants, lesquelles ont fondé chacune une famille ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'autorité parentale sur le fils aîné, lequel vit en France depuis l'année 2007 et a acquis la nationalité française récemment, a été déléguée par elle et son époux à son grand-père maternel qui en assure depuis l'éducation ; qu'enfin Mme C...a vécu au Maroc avec son fils cadet au moins jusqu'en 2011 ; que, dans les circonstances de l'espèce la continuation de la vie familiale au Maroc avec son plus jeune fils, Ayoub, laquelle permettra de maintenir des liens avec son père, ne peut être regardée comme attentatoire à l'intérêt des enfants ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, si les dispositions de l'article L. 313-14 du même code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus, ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 5 du présent arrêt, que le préfet de Vaucluse aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées, Mme C...ne se prévalant d'aucune considération humanitaire, ni d'aucun motif exceptionnel de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans intérêt supérieur de l'enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l'enfant, ou lorsqu'ils vivent séparément et qu'une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l'enfant " ; que cette stipulation crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; qu'il s'ensuit que Mme C...ne peut utilement se prévaloir de ses stipulations pour demander l'annulation de la décision implicite en litige ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par Mme C...au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2015, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 février 2016.
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N° 15MA02021