Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 juillet 2015, sous le n° 15MA02873, la commune de Solaro, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 juin 2015 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a retenu un argumentaire sur la recevabilité du déféré préfectoral, qui n'a pas été débattu par les parties ;
- elle se réfère expressément à ses écritures et pièces de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2015, le préfet de la Haute-Corse conclut au rejet de la requête de la commune de Solaro.
Il soutient que :
- le permis de construire délivré par la commune de Solaro à M. A...méconnaît les dispositions du I et du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;
- son déféré était recevable en l'état d'un recours gracieux régulièrement adressé à la commune de Solaro et au pétitionnaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1. Considérant que par la requête susvisée, la commune de Solaro relève appel du jugement en date du 25 juin 2015 du tribunal administratif de Bastia qui a annulé la décision en date du 5 août 2014 par laquelle le maire de Solaro a délivré à M. A...un permis de construire deux villas sur une parcelle cadastrée C 430, en raison de la méconnaissance des dispositions des I et II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. " ;
3. Considérant en l'espèce que le préfet de la Haute-Corse a adressé, à la commune de Solaro, un recours gracieux en date du 28 août 2014 lui demandant de retirer l'autorisation d'urbanisme accordée à M.A... ; que, devant les premiers juges, le préfet a produit ce recours gracieux qui portait la mention " LRAR n° 1A 097 491 6588 9 " et un accusé de réception numéroté " AR 1A 100 638 4472 5 " ; que le 5 janvier 2015, suite à une demande de régularisation du greffe du tribunal, en date du 18 décembre 2014, effectuée sur le fondement de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, le préfet de la Haute-Corse a transmis un certificat de dépôt d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la commune et portant le numéro " 1A 106 528 0415 4 " ; qu'au vu de ces documents et plus particulièrement de la production par le préfet du certificat de dépôt de la lettre recommandée et en l'absence de toute contestation de ces pièces par la commune antérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 20 mai 2015, les premiers juges ont pu estimer que la discordance des numéros était imputable à une simple erreur de plume et, par suite, sans méconnaître le contradictoire, que le déféré du préfet de la Haute-Corse n'était pas tardif, ce dernier ayant justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par les dispositions de l'article R . 600-1 du code de l'urbanisme ; que, d'ailleurs, devant la Cour, le préfet, ainsi qu'il pouvait valablement le faire, a produit le certificat de dépôt dont le numéro correspond à celui mentionné par le recours gracieux ; qu'ainsi le moyen portant sur la régularité du jugement ne peut être qu'écarté ;
Sur le fond :
4. Considérant qu'en vertu des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ; qu'il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ; que le schéma d'aménagement de la Corse prescrit que l'urbanisation du littoral demeure limitée ; que, pour en prévenir la dispersion, il privilégie la densification des zones urbaines existantes et la structuration des " espaces périurbains ", en prévoyant, d'une part, que les extensions, lorsqu'elles sont nécessaires, s'opèrent dans la continuité des " centres urbains existants ", d'autre part, que les hameaux nouveaux demeurent l'exception ; que de telles prescriptions apportent des précisions relatives aux modalités d'application des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme et sont compatibles avec elles ;
5. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer (...) " ; que le caractère limité de l'extension de l'urbanisation dans un espace proche du rivage, au sens des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, s'apprécie au regard de l'implantation, de l'importance, de la densité et de la destination des constructions ; que le schéma d'aménagement de la Corse, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, se borne à rappeler que, dans les espaces proches du rivage, l'extension de l'urbanisation doit demeurer limitée, sans apporter de précisions particulières sur les modalités de mise en oeuvre, en Corse, de ces notions d'espaces proches du rivage et d'urbanisation limitée ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, plus particulièrement, des plans et de la photo aérienne, que si le terrain d'assiette du projet de construction de M. A...situé au lieu-dit Chiola est proche d'autres maisons, celles-ci présentent un caractère dispersé et sont elles-mêmes bordées à l'ouest, au sud et à l'est par des espaces naturels dépourvus d'urbanisation ; que la commune reconnaît elle-même que le village historique de Solaro est situé plus à l'intérieur des terres ; qu'ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que le projet s'insère dans un espace déjà urbanisé constitutif d'une agglomération ou d'un village existant au sens des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que ce projet, dont l'objet est l'édification de deux maisons individuelles, de surface respective de 131 m2 et de 44,73 m2, ne constitue pas davantage un hameau nouveau intégré à l'environnement ; que la requérante ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir d'un arrêt de la Cour rendu à propos de la zone de Favone située sur la commune de Sari-Solenzara dont il n'est pas démontré qu'elle présenterait les mêmes caractéristiques que celle de Chiola ; que si la commune de Solaro fait valoir que le plan local d'urbanisme classe la parcelle de M. A...en zone constructible, elle n'établit ni même n'allègue que ce plan serait compatible avec les dispositions du I de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme ; qu'en outre, la parcelle de M.A..., qui est visible de la mer, est située dans un espace proche du rivage au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors même qu'elle en est séparée par une route nationale ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, ce projet ne constitue pas une extension limitée de l'urbanisation eu égard à son importance et à sa localisation dans un secteur constitué d'un habitat diffus, au milieu d'espaces naturels ; qu'il s'en suit que le tribunal a estimé, à juste titre, que le projet en litige méconnaissait les dispositions du I et du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme telles qu'éclairées par les dispositions du schéma d'aménagement de la Corse ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Solaro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé sa décision en date du 5 août 2014 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Solaro quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Solaro est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Solaro, au préfet de la Haute-Corse et à M. C...A.l'exception
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.
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N° 15MA02873