Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, sous le n° 15MA04850, Mme A...veuveC..., représentée par Me D...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé ;
3°) soit, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) soit d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour et de travail et de se prononcer sur son droit au séjour, dans le délai de deux mois à compter de la même date, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure compte tenu de l'absence de saisine du médecin de l'agence régionale de santé ; le préfet a commis un défaut d'examen de sa situation ; cette décision viole les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant qu'un délai de départ de trente jours.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A...veuveC..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement en date du 16 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 15 juillet 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et à fixé le pays de destination ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...veuve C...est entrée en France, le 3 juillet 2011 sous couvert d'un visa de type C ; qu'en raison de son mariage, le 22 mars 2014 avec un ressortissant français, décédé le 8 mars 2015, elle a bénéficié d'une carte de résident " conjoint de français " valable du 30 avril 2014 au 29 avril 2015 ; que, toutefois, elle ne justifie pas de la continuité de son séjour pour les années 2011 à 2012 en produisant principalement des documents médicaux qui démontrent tout au plus une présence ponctuelle de l'intéressée sur le territoire national ; que la communauté de vie avec son conjoint est établie à compter du mois de mai 2013 par des documents probants tels qu'un bail de location ou des factures EDF mentionnant les deux noms ; qu'étant d'un peu moins de deux ans à la date de la décision contestée, cette durée est courte ; que Mme A...veuve C...qui est sans charge de famille ne démontre pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de 44 ans et où elle a effectué un séjour, en octobre 2014, comme le démontre son passeport ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France et alors même que son père serait décédé et que son frère et sa soeur résideraient régulièrement sur le territoire national, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision litigieuse ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
4. Considérant que si Mme A...veuve C...se prévaut de ses problèmes de santé, de sa situation de précarité et de ce qu'elle bénéficie d'un taux d'invalidité de 80 %, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de Mme A...veuve C...sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien a fait l'objet d'une décision de rejet en date du 30 août 2012 suivant laquelle son état de santé ne nécessite pas son maintien sur le territoire français dès lors que le défaut de prise en charge médicale ne peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers l'Algérie ; que la requérante ne démontre pas avoir transmis au préfet des Bouches-du-Rhône, postérieurement à la décision précitée, de nouveaux éléments relatifs à sa santé à l'appui de sa demande de renouvellement de sa carte de résidence " conjoint de français " qui a fait l'objet de l'arrêté querellé ; qu'ainsi, le préfet ne pouvait pas présumer que la mesure d'éloignement serait susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de Mme A...veuve C...; qu'en tout état de cause, les certificats médicaux produits mentionnent qu'elle est suivie principalement pour un diabète, une neuropathie périphérique et une rétinopathie sévère ; que ces documents ne précisent pas si le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne comportent aucun élément sur l'impossibilité de recevoir des soins appropriés en Algérie ; qu'ainsi, ils ne permettent pas d'établir que Mme A...veuve C...ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il en résulte que le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être écarté ; que, par suite, elle ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet aurait dû saisir pour avis le médecin de l'agence régionale de santé avant de prendre sa décision ; que pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
7. Considérant que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points n° 3 et n° 4 ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;
9. Considérant que l'appelante ne justifie pas de circonstances particulières de nature à démontrer la nécessité, en l'espèce, d'une prolongation du délai de départ volontaire fixé à trente jours par la décision querellée au regard de ce qui a été dit précédemment ; que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du préfet des Bouches-du-Rhône doit, par suite, être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...veuve C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral susvisé du 15 juillet 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
11. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A...veuve C...n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que Mme A...veuve C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...veuve C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...veuve C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.
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N° 15MA04850