Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 janvier 2015, M.A..., représenté par la SCP Dessalces et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 8 décembre 2014 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ou subsidiairement de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge du préfet de l'Hérault une somme de 1 200 euros à verser soit à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, soit à lui-même en cas de non admission à l'aide juridictionnelle, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.
Il soutient que :
- l'ordonnance est entachée d'irrégularité, le premier juge ne pouvant se prévaloir valablement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour estimer que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'était pas assorti de précisions suffisantes, alors qu'il fournissait de nombreuses pièces à l'appui de ce moyen ;
- contrairement à l'appréciation portée par le préfet, il a justifié de son entrée et de sa résidence habituelle sur le territoire français, d'un domicile, de l'intensité de ses intérêts privés et familiaux en France où réside son père handicapé et où il a tissés des liens personnels, et de son souci d'intégration manifesté par l'obtention d'une promesse d'embauche ;
- au regard de l'ensemble de ces éléments le préfet a méconnu l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- l'obligation de quitter le territoire prévue par l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est contraire à l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 en ce qu'elle est dispensée de motivation ;
- le préfet de l'Hérault s'est cru à tort en situation de compétence liée pour assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet n'a pas pris en compte la particularité de sa situation qui aurait dû le conduire à lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A...contre les décisions en litige n'est fondé.
Un courrier du 30 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 26 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- et les observations de MeC..., représentant M.A....
1. Considérant que M. B...A..., de nationalité marocaine, s'est vu opposer un refus de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français par le préfet de l'Hérault le 30 octobre 2012, décisions complétées le 24 avril 2013 par une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; que M. A...a présenté le 17 février 2014 une nouvelle demande de titre de séjour en qualité de salarié, laquelle a été rejetée par arrêté du préfet de l'Hérault du 2 octobre 2014 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que M. A...relève appel de l'ordonnance du 8 décembre 2014 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2014 ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...)." ;
3. Considérant que M. A...relève que le premier juge ne pouvait, sans irrégularité au regard des dispositions précitées, estimer que le moyen invoqué contre le refus de titre de séjour et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Hérault n'était pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier la portée ; que toutefois, l'intéressé s'est borné à l'appui de ce moyen à invoquer de manière peu circonstanciée la résidence de son père et d'une cousine en France, à faire état de l'ancienneté de son propre séjour sans en justifier pour la plus grande partie de la période qu'il allègue, et à produire une promesse d'embauche ne mentionnant ni la forme sociale de l'employeur ni le poste qu'il occuperait auprès de ce dernier ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a considéré que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'un refus de titre de séjour sur la situation de M. A...n'était pas assorti de précisions permettant au tribunal administratif d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'ordonnance contestée serait entachée d'irrégularité, faute pour la demande de M. A... d'entrer dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être écarté ;
Sur la légalité des décisions du préfet de l'Hérault du 2 octobre 2014 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :(...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ;
5. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A...a présenté sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, il ressort de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault l'a également examinée au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont la méconnaissance peut, dès lors, être utilement invoquée en l'espèce ; que toutefois, si M. A...se prévaut d'une résidence habituelle en France depuis son entrée sur le territoire en 1999 avant sa majorité, il n'établit pas par les pièces produites son séjour sur le territoire français en particulier pour les années 2003 à 2011, la production d'une prescription médicale par an pour les années 2009, 2010 et 2011 et d'un certificat d'auxiliaire médical établi le 22 mai 2014 portant sur des soins donnés en juillet 2008 permettant, tout au plus, de prouver une présence ponctuelle de l'intéressé durant ces années et non une résidence habituelle, alors qu'il résulte par ailleurs des pièces du dossier que M. A...a fait établir son passeport marocain en Espagne le 21 décembre 2010 ; que les pièces produites par l'intéressé ne démontrent pas d'insertion personnelle, sociale ou professionnelle particulière sur le territoire français ; que si le requérant fait valoir que son père, qui réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident, est handicapé, il n'établit ni la nécessité d'une assistance de ce dernier dans la vie quotidienne, ni le fait qu'il apporterait lui-même une telle aide, alors qu'il ressort tant des pièces du dossier que de ses déclarations qu'il a vécu hébergé par un ami puis chez une cousine ; qu'enfin le requérant, célibataire et sans enfant, ne conteste pas que sa mère et quatre frères et soeurs résident au Maroc ; que, dans ces conditions, compte-tenu de la durée établie et des conditions du séjour en France de l'intéressé à la date de la décision contestée, le refus de séjour pris à son égard n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été édicté et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en second lieu, que M. A...ne démontre pas davantage en appel que devant le tribunal administratif que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, en se bornant à produire à nouveau sans plus de précision une promesse d'embauche du 2 mai 2014 signée de M. D...gérant d'une " entreprise de peinture ", et à faire état de manière non circonstanciée des liens personnels et amicaux qu'il aurait tissés sur le territoire français, où il s'est maintenu irrégulièrement en dépit des mesures d'éloignement et d'interdiction de retour prises à son encontre le 30 octobre 2012 et le 24 avril 2013 ; que le refus de titre de séjour n'est, dès lors, entaché d'aucune illégalité sur ce point ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter de territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui assure de manière suffisante, contrairement à ce que soutient le requérant, la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / ( ...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l 'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré. / (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;
8. Considérant que, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique ; qu'en l'espèce, la décision portant refus de titre de séjour, qui indique qu'elle est assortie d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, comporte, dans ses visas et ses motifs, les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que le moyen tiré par M. A...de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut dès lors qu'être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de l'Hérault a analysé la situation particulière de M. A...au regard de la nécessité d'assortir la décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français en l'espèce, tant en ce qui concerne sa vie privée et familiale que la possibilité de regagner son pays d'origine ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée pour édicter une telle obligation de quitter le territoire français ;
10. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l 'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
11. Considérant, que, pour les motifs précédemment indiqués au point 5, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été édictée ; que le préfet n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;
13. Considérant qu'en se bornant à alléguer que la durée de trente jours contestée était insuffisante au regard de la particularité de sa situation, M. A...n'établit pas que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire plus long ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration, sous astreinte de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un réexamen de sa situation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A...de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2016.
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N° 15MA00034