Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 janvier 2015, Mme B...représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 octobre 2014 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à MeA..., qui renonce dans ce cas à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- le préfet de l'Hérault, qui ne mentionne pas son état de santé dans l'arrêté, n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant notamment sur son absence de visa de long séjour alors que celui-ci n'est pas exigé dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11 7° et 11° et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fondaient sa demande ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 313-11 7° et 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle réside en France auprès de ses parents titulaires de carte de résident, qui s'occupent d'elle au quotidien compte-tenu de ses problèmes de santé, et ne peuvent retourner en Turquie, son père ayant le statut de réfugié politique ;
- sa situation relève de motifs humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'administration ne peut lui reprocher de ne pas maîtriser la langue française dès lors qu'il s'agit d'une conséquence de la pathologie dont elle souffre ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle excipe de l'illégalité du refus de titre de séjour contre l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation, et est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination, qui ne prend pas en compte le statut de réfugié politique de son père, est insuffisamment motivée ;
- cette dernière décision a été prise en violation de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est exposée à des risques en cas de retour en Turquie du fait de l'engagement de son père en faveur de la cause kurde.
Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de MmeB....
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par celle-ci contre les décisions en litige n'est fondé.
Un courrier du 30 octobre 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 26 janvier 2016 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C...B..., de nationalité turque, est entrée en France selon ses déclarations en janvier 2008 ; qu'après avoir fait l'objet de refus de titres de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français le 11 juillet 2008 et le 24 septembre 2009, elle a présenté le 20 février 2014 à la préfecture de l'Hérault une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de ses attaches privées et familiales en France ; que par un arrêté du 24 avril 2014, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel pouvait être exécutée d'office cette mesure d'éloignement ; que Mme B...relève appel du jugement du 16 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que Mme B...reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance et tirés de ce que sa situation personnelle n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen réel et suffisamment complet avant l'édiction du refus de séjour en litige, et de ce que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de droit en constatant dans cette décision qu'elle n'était pas en mesure de présenter un visa de long séjour ; qu'il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges et qui ne sont au demeurant pas critiqués en appel ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale " ;
4. Considérant que MmeB..., âgée de 41 ans à la date de la décision en litige, célibataire et sans enfants, soutient, sans toutefois l'établir, résider de manière habituelle en France depuis le 15 janvier 2008 ; que, si elle fait valoir qu'elle y a rejoint ses parents titulaires de cartes de résident d'une durée de validité de dix ans, son père ayant obtenu le statut de réfugié politique en 2002, ainsi que l'un de ses frères, il est constant que ses quatre autres frères et soeurs résident toujours en Turquie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux très peu circonstanciés produits par la requérante, que celle-ci serait atteinte à la date de la décision de refus de titre de séjour d'une pathologie nécessitant sa prise en charge quotidienne par ses parents, alors d'ailleurs qu'elle a vécu sans eux en Turquie après leur départ de ce pays pour la France ; qu'enfin, Mme B...ne démontre aucune insertion particulière en France, et n'apporte au demeurant aucune précision à l'appui de son affirmation selon laquelle son état de santé fait obstacle à ce qu'elle maîtrise la langue française ; que dans ces conditions, et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort tant de la décision en litige que des autres pièces du dossier, et notamment du formulaire de demande produit par l'administration, que Mme B...a présenté sa demande de régularisation de son séjour le 20 février 2014 en faisant valoir exclusivement ses attaches familiales sur le territoire français, et non son droit à la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de l'Hérault de ces dernières dispositions doit être écarté comme inopérant ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; que, pour les motifs indiqués au point 3, MmeB..., qui n'apporte aucun élément nouveau en appel excepté un certificat selon lequel elle suivait des cours d'alphabétisation à la fin de l'année 2014, ne peut être regardée comme justifiant de motifs exceptionnels de nature à la faire admettre au séjour en application des dispositions précitées ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par le préfet de l'Hérault doit, dès lors, être écarté ; qu'il en va de même, pour les motifs susmentionnés, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par l'administration à l'égard des conséquences de la décision de refus de titre de séjour en litige ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 ci-dessus que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé le 24 avril 2014 à l'encontre de la décision du même jour l'obligeant à quitter le territoire français ;
8. Considérant que, pour les motifs précédemment exposés, les moyens tirés par Mme B... de ce que la décision qui l'oblige à quitter le territoire français procèderait d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, moyens qui sont au demeurant repris devant la Cour sans critique du raisonnement des premiers juges, doivent être écartés ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant que la décision contestée, qui fixe le pays dont Mme B... a la nationalité ou tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible comme pays de destination, est suffisamment motivée en droit dès lors qu'elle vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel prévoit que l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination vers lequel l'étranger sera renvoyé ; qu'en indiquant que Mme B...n'établissait pas courir des risques pour sa vie au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays, le préfet a par ailleurs suffisamment motivé sa décision en fait ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination doit être écarté ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
11. Considérant que Mme B...se borne à faire valoir à nouveau devant la Cour que l'engagement de son père en faveur de la cause kurde, qui a entraîné pour ce denier l'octroi du statut de réfugié politique, lui ferait également courir des risques contraires aux dispositions susmentionnées en cas de retour en Turquie ; que, toutefois, cette seule circonstance ne saurait suffire en l'espèce à démontrer l'existence d'une menace pour la vie ou la liberté de Mme B..., alors qu'elle a elle-même vécu à l'âge adulte en Turquie ainsi que quatre autres de ses frères et soeurs sans alléguer aucun traitement contraire aux dispositions précitées, et que l'office français des réfugiés et apatrides saisi de sa demande d'asile a constaté qu'elle ne faisait état d'aucune menace personnelle à son encontre ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la décision préfectorale fixant le pays de destination doivent être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 24 avril 2014 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un réexamen de sa situation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au conseil de MmeB..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 février 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Pocheron, président-assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2016.
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N° 15MA00069