I - Par une requête, enregistrée le 23 février 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en considérant que l'Italie était responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- rien ne démontre que sa demande d'asile formulée en Italie serait toujours en cours d'examen ;
- l'Italie fait preuve de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des migrants ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 avril 2018.
II - Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 janvier 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- il a développé des moyens sérieux d'annulation dans sa requête au fond.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'appelant n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions principales :
2. En premier lieu, le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit que " La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre ". Aux termes de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi (....) que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Les critères prévus à l'article 13 du règlement ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres. Les dispositions de cet article ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.
3. M. A..., qui a été enregistré dans le fichier dit " Eurodac " le 6 juin 2016 en Italie, ne conteste pas dans sa requête avoir déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes. La demande d'asile qu'il a présentée en France le 29 juin 2017 n'étant pas sa première demande d'asile, il ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 pour contester la désignation de l'Italie comme Etat membre responsable de l'examen de sa demande de protection internationale.
4. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".
5. Si l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Toutefois, les allégations de M. A... sur la situation d'ensemble en Italie et les documents d'ordre général qu'il produit tenant aux conditions d'accueil des migrants dans ce pays ne suffisent pas à établir que sa réadmission par l'Italie serait, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile par cet Etat.
6. En troisième et dernier lieu, M. A... ne démontre pas qu'il ne pourrait recevoir des soins en Italie pour les pathologies dont il est atteint et dont il ne précise pas la nature. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, quand bien même M. A... participe aux activités d'une association de façon bénévole et qu'il suit des cours de français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
8. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont donc devenues sans objet. Il y a également lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que les sommes réclamées par M. A... et son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances.
D É C I D E :
Article 1er : La requête n° 18MA00897 est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 janvier 2018 présentées dans la requête n° 18MA01208.
Article 3 : Les conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. A... dans l'instance n° 18MA01208 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
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N° 18MA00897 - 18MA01208