Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 décembre 2015, Mme D...épouse B...représentée par Me E...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 octobre 2015 ;
2°) d'annuler la décision d'opposition à déclaration préalable prise par le maire de Porto-Vecchio le 29 septembre 2014 ;
5°) et de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis d'examiner si la consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles était légalement exigible ;
- le délai d'instruction n'a pu être prolongé, la déclaration n'étant pas soumise à la consultation obligatoire de la CDCEA ;
- le maire a ainsi retiré la décision de non-opposition tacite née le 7 septembre 2014 sans respecter la procédure contradictoire préalable ;
- le terrain d'assiette est situé dans les parties actuellement urbanisées de la commune, n'a pas de vocation agricole et aucune activité agricole ne s'y exerce ;
- la décision est fondée sur un avis conforme illégal du préfet ;
- son projet comportant un lot à bâtir ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme ;
- le préfet n'était pas tenu de suivre l'avis de la CDCEA non fondé sur des faits objectifs.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2016, la commune de Porto-Vecchio conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D...épouse B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante à l'encontre de la décision en litige n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-32 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;
- les observations de Me C...substituant Me E...représentant Mme D... épouse B... et celles de Me A...substituant Me H...représentant la commune de Porto-Vecchio.
1. Considérant que l'indivision composée de M. F...D...et Mme G... D... épouse B...a effectué le 7 août 2014 une déclaration préalable de division foncière auprès de la commune de Porto-Vecchio en vue de la création d'un lot à bâtir sur une parcelle cadastrée I n° 2405 au lieu-dit Plan de l'Aja ; que le maire de Porto-Vecchio a notifié à l'indivision par lettre datée du 14 août 2014 une prolongation du délai d'instruction à deux mois en raison de la nécessité de consulter la commission départementale de la consommation des espaces agricoles ; que par décision du 29 septembre 2014 il s'est opposé à la déclaration préalable, après avis défavorable de cette commission et avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-sud ; que Mme D...épouse B...a saisi le tribunal administratif de Bastia d'un recours tendant à l'annulation de cette décision ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande par jugement du 15 octobre 2015, dont l'intéressée interjette appel ;
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Considérant que le tribunal administratif a répondu, au point 2 du jugement attaqué, au moyen invoqué par Mme B...devant lui et tiré de ce que la décision en litige constituait le retrait d'une décision implicite de non-opposition antérieurement acquise à défaut de notification régulière aux pétitionnaires de la lettre du 14 août 2014 prorogeant le délai d'instruction ; que les premiers juges n'étaient pas saisis d'une contestation du bien-fondé de cette prorogation de l'instruction, qui ne présentait pas non plus un caractère d'ordre public ; que le jugement attaqué n'est, dès lors, entaché d'aucune omission à statuer du tribunal administratif sur ce point ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
En ce qui concerne le moyen tiré du retrait illégal par la décision en litige d'une précédente décision de non-opposition tacite :
3. Considérant, d'une part, que l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme prévoit que le délai d'instruction de droit commun est d'un mois pour les déclarations préalables ; que selon l'article R. 423-24 du même code dans sa rédaction alors en vigueur, ce délai est majoré d'un mois lorsque le projet est soumis à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, ou, notamment " lorsque le projet doit être soumis à l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévu par l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. " ; qu'aux termes de l'article R. 423-42 du même code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; b) Les motifs de la modification de délai (...) " ; qu'enfin, en vertu de l'article R. 424-1 de ce code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la déclaration préalable en cause : " I.-En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seuls sont autorisés, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes (...l'exception). II.-La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° du I du présent article et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même I ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l'Etat dans le département à la commission départementale de la consommation des espaces agricoles prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de la saisine de la commission. (...). "
5. Considérant que, par un courrier daté du 14 août 2014 et notifié le 21 août 2014, soit dans le délai d'un mois suivant le dépôt de la déclaration préalable de lotissement, la commune de Porto-Vecchio a informé l'indivision D...d'une modification du délai d'instruction porté à deux mois en raison de la nécessité de consulter la commission départementale de la consommation des espaces agricoles par application de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain cadastré I n°2045, dont l'affectation antérieure à l'activité agro-pastorale n'est pas sérieusement contredite, ne supporte aucune construction ; qu'il est situé dans un secteur géographique non bâti sur les côtés est, sud et ouest de la parcelle à diviser, et ne comportant que quelques habitations au nord elles-mêmes sans continuité avec le coeur du hameau de Muratello ; que le terrain ne peut ainsi être regardé, en dépit de sa desserte par les réseaux, comme inclus dans les parties actuellement urbanisées de la commune de Porto-Vecchio ; que néanmoins le projet de division en litige, visant à y créer un lot à construire à destination d'habitation, ne concerne aucun des cas de constructions ou aménagements hors des parties urbanisées de la commune obligatoirement soumis à l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles limitativement énumérés par le II de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; que, par suite, c'est à tort que le maire a notifié à l'indivision D...une prorogation du délai d'instruction en raison de la nécessité de consulter cette commission en application de l'article R. 423-24 du même code ;
6. Considérant, toutefois, que le caractère erroné du délai d'instruction notifié par l'autorité compétente en raison d'une consultation qui n'est pas requise par le code de l'urbanisme ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'une décision implicite de non-opposition à l'issue du délai d'instruction légalement applicable ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'une décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable était née le 7 septembre 2014 au profit de l'indivision D...à l'issue du délai d'un mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, en dépit de la prorogation du délai d'instruction notifiée le 21 août 2014 pour consultation de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, par la décision d'opposition en litige du 29 septembre 2014, le maire de Porto-Vecchio aurait en réalité illégalement retiré une précédente décision implicite de non-opposition sans respecter la procédure contradictoire préalable doit être écarté ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'avis conforme du préfet de la Corse-du-Sud :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation. "
8. Considérant que le maire de Porto-Vecchio a saisi le préfet de la Corse-du-Sud pour avis conforme sur la déclaration préalable de lotissement de l'indivision D...en application de ces dispositions, suite à l'annulation par voie juridictionnelle du plan local d'urbanisme de la commune ; que le préfet a rendu un avis défavorable au projet le 22 septembre 2014 au double motif, d'une part, de ce que celui-ci se situait " en dehors des parties urbanisées de la commune où aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme en commune littorale l'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement ", et, d'autre part, de l'avis défavorable rendu par la commission départementale de la consommation des espaces agricoles ; que le maire de Porto-Vecchio se trouvait donc, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, en situation de compétence liée pour s'opposer à la déclaration préalable ; que, toutefois, Mme B...est recevable à exciper de l'illégalité de cet avis conforme du préfet à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'opposition en litige, ainsi qu'elle le fait pour la première fois en appel ;
9. Considérant, en premier lieu, que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent dès lors respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière ; qu'il appartient à l'autorité compétente, dans tous les cas, de s'opposer à une déclaration préalable portant sur un lotissement situé dans un secteur que ces règles rendent inconstructible en vertu notamment des dispositions applicables aux communes du littoral ;
10. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicable : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " ; que le schéma d'aménagement de la Corse prescrit que l'urbanisation du littoral demeure limitée ; que, pour en prévenir la dispersion, il privilégie la densification des zones urbaines existantes et la structuration des " espaces péri-urbains ", en prévoyant, d'une part, que les extensions, lorsqu'elles sont nécessaires, s'opèrent dans la continuité des centres urbains existants et, d'autre part, que les hameaux nouveaux demeurent... ; que de telles prescriptions apportent des précisions relatives aux modalités d'application des dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme et ne sont pas incompatibles avec elles ;
11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la parcelle d'assiette du projet de division foncière déclarée par l'indivisionD..., non bâtie, se situe à distance du centre du hameau de Muratello ; que, si le secteur comprend quelques constructions éparses au nord de la parcelle, celle-ci fait partie d'un vaste ensemble de terrains naturels et agricoles dépourvus de construction s'étendant vers l'ouest, le sud et l'est ; que, par suite, le projet de lotissement à usage d'habitation en litige, qui constitue une extension de l'urbanisation au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme eu égard à ses caractéristiques et sa situation, contrairement à ce que soutient l'appelante, ne peut être regardé comme s'opérant dans la continuité d'un centre urbain existant pour l'application de ces dispositions telles que précisées par le schéma d'aménagement de la Corse ; que dès lors, le préfet de la Corse-du-Sud a pu à bon droit fonder son avis défavorable sur le non respect des règles d'urbanisme applicables aux communes littorales ;
12. Considérant, en second lieu, que ce motif suffisait à justifier légalement l'avis conforme négatif du préfet sur le projet déclaré par l'indivisionD... ; que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif ; que par suite, la circonstance qu'il ait motivé son avis conforme de manière surabondante en se référant à la teneur de l'avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles du 8 septembre 2014, demeure en toute hypothèse sans influence sur la légalité de celui-ci ; qu'au surplus il ne ressort ni des termes de l'avis conforme du préfet ni des autres pièces du dossier que celui-ci se serait estimé, à tort, lié par l'avis défavorable de la commission pour se prononcer sur le projet ;
13. Considérant, par suite, que les différents moyens invoqués par voie d'exception contre la décision d'opposition et tirés de l'illégalité de l'avis conforme du préfet de la Corse-du-Sud sur la déclaration préalable doivent être écartés ;
14. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'opposition du maire de Porto-Vecchio du 29 septembre 2014 ;
Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle en toute hypothèse à ce que la commune de Porto-Vecchio, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à Mme B...la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande formée par la commune de Porto-Vecchio au titre des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...épouse B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Porto-Vecchio en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...D...épouse B...et à la commune de Porto-Vecchio.
Copie pour information en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2017 où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
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N° 15MA04789