Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2016, sous le n° 16MA04051, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous la même astreinte, à compter du délai de quinze jours suivant la notification précitée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas motivé la décision contestée et examiné sa situation au regard des orientations fixées par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- la décision contestée viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A..., née le 28 avril 1977, de nationalité marocaine relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône qui a refusé de lui délivrer son titre de séjour et l'a invitée à quitter le territoire français ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est mariée le 11 février 2006 avec un ressortissant français ; qu'elle a obtenu, à ce titre, une carte de séjour mention " vie privée et familiale " valable de février 2006 à février 2007 ; que, néanmoins, ce mariage a été annulé par un jugement du tribunal de grande instance du 13 novembre 2006 ; qu'elle ne démontre pas valablement les violences conjugales dont elle se prévaut ; que si la requérante allègue résider en France depuis le 13 décembre 2005, les documents qu'elle produit, constitués essentiellement de pièces médicales, ne démontrent qu'une présence ponctuelle ; que, par ailleurs, elle a fait l'objet de plusieurs refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français les 22 janvier 2009, 29 octobre 2012 et 30 avril 2013 ; que Mme A... vit désormais avec un compatriote en situation irrégulière pour lequel le préfet a pris à son encontre, le 30 avril 2013, un refus de titre de séjour portant obligation de quitter le territoire français ; que de cette union sont nés deux enfants les 31 août 2009 et le 20 août 2011 ; que l'appelante ne peut utilement se prévaloir de la naissance de leur troisième enfant, le 22 août 2015, postérieurement à la date de la décision litigieuse ; qu'elle ne fait état d'aucune circonstance qui empêcherait la reconstitution de sa cellule familiale au Maroc où les enfants âgés de près de 4 et 6 ans peuvent y poursuivre leur scolarité ; que, par ailleurs, la requérante ne démontre pas être privée d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et y est retournée plusieurs fois ; que, dans ces conditions et alors même qu'elle bénéficierait d'une promesse d'embauche pour exercer un emploi d'agent d'entretien, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
5. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
6. Considérant qu'il ressort de la décision en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné si la situation familiale de Mme A... relevait des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si la requérante se prévaut de sa résidence continue en France depuis 2005, de la présence de son compagnon et de leurs deux enfants dont l'aîné est scolarisé depuis trois ans, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme A... ;
7. Considérant que Mme A... ne peut utilement se prévaloir des termes de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 susvisée dès lors que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées devant le juge, mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation ; que, par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et du défaut d'examen de sa situation au regard des critères fixés par cette circulaire doivent être écartés ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à Me C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2017, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2017.
2
N° 16MA04051