Par un jugement n° 1606428 du 17 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2017, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au titre de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 mars 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2016 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel elle serait reconduite d'office ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a dénaturé les faits de l'espèce et est entaché d'une erreur de droit, ayant retenu à tort que la décision en litige était fondée sur l'alinéa 3 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la décision en litige ne le précise pas ;
- le jugement attaqué est également entaché de deux autre erreurs de droit, dès lors qu'elle a du introduire sa requête dans un délai de quinze jours et qu'elle est présente en France depuis sept ans ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- la décision portant refus de titre est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu le champ d'application des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garantie par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par l'agence régionale de santé ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par jugement du 17 mars 2017 , le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office ; que Mme D... relève appel de ce jugement ;
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant que Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 22 mai 2017 ; qu'ainsi, ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ;
4. Considérant qu'il est constant que Mme D... a épousé M. C..., ressortissant français, le 3 août 2009 au Maroc ; qu'elle est entrée en France le 4 février 2010 pour rejoindre son époux, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " vie privée et familiale " et valable jusqu'au 14 janvier 2011 ; qu'elle ensuite bénéficié de titres de séjour en qualité de conjoint de français jusqu'en 2013 ; qu'elle a été employée en qualité d'agent de propreté à compter du mois d'août 2012 ; qu'elle a suivi des cours de français ; qu'à la suite de la rupture de la communauté de vie d'avec son époux, le préfet a refusé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de travailleur salarié, suivant décision du 8 juillet 2013 ; que le divorce a été prononcé le 27 janvier 2015 ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... a subi des violences de la part de son ex-époux et de la famille de celui-ci au début de l'année 2013 ; qu'il n'est pas contesté que ces violences ont même débuté dès son arrivée en France et que la communauté de vie a été rompu à l'initiative de son époux, sa belle famille lui ayant interdit l'entrée de l'appartement du beau-frère où elle était contrainte de loger ; qu'il n'est, en outre, pas non plus contesté que Mme D... a subi une tentative de viol de la part de son beau-frère ; que Mme D... a été ensuite suivie par le centre d'information sur le droit des femmes et des familles et par un psychologue ;
6. Considérant que si Mme D..., célibataire et sans charge de famille, s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français depuis le 8 juillet 2013, il ressort également de l'attestation produite établie par une éducatrice du centre d'hébergement et de réinsertion sociale Regain et de ses affirmations non contestées sur ce point qu'elle a fait l'objet d'un mariage arrangé avec un cousin ; qu'eu égard à cette situation, elle justifie qu'elle se retrouverait isolée dans son pays d'origine ;
7. Considérant que compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, et notamment de l'ancienneté et de la régularité du séjour de l'intéressée en France pendant plus de trois années, et eu égard aux violences subies, à la qualité de son intégration tant professionnelle que sociale, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle de l'arrêté du 28 novembre 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des
articles L. 761-1 du code de justice et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) " ;
11. Considérant que l'avocat du requérant, Me A..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'elle aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1606428 du tribunal administratif de Montpellier du 17 mars 2017 et l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2016 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D... une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à Me A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D..., à Me A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2018.
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N° 17MA02934