Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me E... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- cette décision méconnaît l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en violation des articles 3-1 et 3-2 de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 511-4-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2020.
Par une décision du 21 février 2020, la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été constatée.
Par une décision du 4 septembre 2020, la demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D... F..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Entré en France en 2007 selon ses déclarations, M. B..., ressortissant comorien né le 5 août 1973, a demandé, le 12 juin 2018, une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté contesté du 14 septembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et prescrit son éloignement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. B... soutient contribuer de manière effective à l'éducation et à l'entretien de son enfant français né à Marseille le 18 novembre 2001, qu'il a reconnu à Nice le 27 novembre 2008, et se prévaut à cet effet d'un nombre important d'opérations bancaires ainsi que de deux attestations rédigées par la mère de cet enfant, Mme C..., de laquelle il est séparé de longue date. Toutefois, M. B..., qui réside à Nice et n'a jamais vécu avec son fils scolarisé au Mans, ne démontre pas, par les seuls justificatifs de virements bancaires effectués en faveur de Mme C... au cours de la période allant de mai 2017 à août 2018, et des deux attestations mentionnées ci-dessus, peu circonstanciées, dont l'une est postérieure à la décision attaquée et l'autre non datée, avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de son fils français au cours des deux années qui ont précédé l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
4. Par ailleurs, M. B..., qui déclare être entré en France en 2007, n'établit pas, par la seule production d'une ordonnance médicale d'un centre de santé dentaire de Marseille en date du 16 février 2007, le caractère habituel et continu de son séjour en France depuis cette date alors même qu'il établit avoir reconnu son fils à Nice le 27 novembre 2008, avoir procédé à quatre virements bancaires de Nice au cours de la période d'août à décembre 2011 et à un virement bancaire au mois de mai 2013 ainsi qu'avoir fait l'objet, les 17 août 2011, 19 juin 2015 et 20 mars 2017, de trois mesures d'éloignement et avoir travaillé en France en qualité de plongeur au cours des mois d'octobre 2010 à décembre 2012 puis du mois d'avril 2017 à mars 2018. En outre, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le requérant ne peut être regardé, à la date de l'arrêté contesté, comme contribuant effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant français. Enfin, M. B..., célibataire et âgé de quarante-cinq ans à la date de la décision critiquée, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie, y compris de sa vie d'adulte. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant l'admission au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français. Les moyens tirés de ce que l'arrêté portant refus de titre de séjour procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par suite, être écartés.
5. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision de refus de séjour et d'éloignement que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants, dans toutes les décisions les concernant.
6. M. B..., qui allègue devant la Cour maintenir avec son fils un lien soutenu et régulier, ne rapporte pas la preuve, ainsi qu'il a été dit au point 3, d'une contribution effective à l'entretien et l'éducation de ce dernier, mineur à la date de la décision attaquée, et ne justifie pas de liens développés avec lui. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de son enfant en prenant l'arrêté contesté.
7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 de la même convention internationale des droits de l'enfant : " Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. ". Toutefois, M. B... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, des stipulations précitées, qui sont dépourvues d'effet direct.
8. En quatrième lieu, si M. B... établit avoir travaillé en France en qualité de plongeur au cours des mois d'octobre 2010 à décembre 2012 puis du mois d'avril 2017 à mars 2018, ces circonstances ne suffisent toutefois pas à caractériser l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pouvant justifier le bénéfice d'une mesure de régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au surplus, et ainsi que l'a relevé le tribunal, l'intéressé n'établit pas avoir saisi le préfet des Bouches-du-Rhône d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
10. Si M. B... se prévaut de sa qualité de père d'un enfant français, il n'apporte aucun élément de nature à établir, ainsi qu'il a été dit au point 3, qu'il contribue effectivement à son entretien et son éducation depuis au moins deux ans à la date de la décision contestée. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Marseille a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En second lieu, il résulte des points 3 à 8 ci-dessus que la décision refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à exciper d'une telle illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er mars 2019 et de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 septembre 2018. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme D... F..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.
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N° 19MA01337