Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 mars 2019 et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- par les pièces qu'il verse devant la Cour, il est démontré que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le médecin qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège qui s'est prononcé sur la demande de Mme F... et qu'ainsi, le refus de titre de séjour sollicité n'a pas été pris au terme d'une procédure irrégulière ;
- le jugement doit être annulé, le refus de titre de séjour étranger malade opposé à Mme F... étant fondé, la situation de cette dernière ne permettant pas de l'admettre au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la situation de Mme F... relevant du 3° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à être motivée en vertu de l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 511-1-I ;
- en l'absence d'éléments démontrant que la vie de Mme F... serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, pays d'origine sûr, la décision fixant le pays de destination n'est entachée d'aucune irrégularité.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2020, Mme F..., représentée par Me B..., demande :
- de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
- de rejeter la requête du préfet des Alpes-de-Haute-Provence ;
- d'enjoindre au préfet des Alpes-de-Haute-Provence de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet des Alpes-de-Haute-Provence ne justifie pas que la décision refusant son admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français a été signée par une autorité compétente ;
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée, notamment en ce qui concerne sa situation familiale en l'absence de mention de la scolarisation de ses enfants et de la nécessité de soins à apporter à sa fille aînée ;
- si dans le cadre de l'appel, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence produit un document indiquant que le médecin ayant établi le rapport n'a pas siégé au sein du collège, il est constant que le rapport n'a pas été produit aux débats et que l'avis ne mentionne pas le nom du médecin rapporteur ;
- en tout état de cause, la pathologie dont elle souffre est incompatible avec un retour dans son pays d'origine, la Serbie, où, du fait de ses origines roms, elle est exposée à une discrimination dans l'accès aux soins et droits sociaux ;
- le préfet ne démontre pas, par les pièces qu'il verse au dossier, non traduites, que le traitement nécessité par sa pathologie est disponible en Serbie ;
- le refus de séjour méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- enceinte, à la date de la décision attaquée, elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à son intégration et au transfert de ses intérêts privés en France où elle réside avec son époux et ses enfants scolarisés ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors que sa famille souffre de discrimination en Serbie de par son origine ethnique, qu'elle a vécu des événements traumatisants dans son pays d'origine et que son état de santé risque de s'aggraver en cas de retour dans son pays d'origine.
Par ordonnance du 23 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2020.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E... G..., rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante serbe née le 9 mai 1983 qui déclare être entrée pour la première fois en France en novembre 2016, après avoir été déboutée de l'asile par une décision définitive de la Cour nationale du droit d'asile du 26 octobre 2017 notifiée le 3 novembre suivant, a sollicité le 25 décembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence relève appel du jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 mars 2019 refusant à l'intéressée le titre demandé, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Sur la demande de Mme F... d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 25 septembre 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé.".
5. L'article R. 313-22 du même code prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
6. Selon l'article R. 313-23 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".
7. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
8. Les premiers juges, après avoir estimé que l'avis du collège des médecins de l'OFII, faute de comporter le nom du médecin ayant rédigé le rapport médical, avait privé Mme F... de la garantie de s'assurer que ce médecin n'avait pas siégé au sein du collège qui avait rendu l'avis du 14 mars 2019 et que le préfet n'avait apporté aucun élément permettant d'identifier ledit médecin de nature à établir que celui-ci n'avait pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII, ont annulé la décision de refus de titre de séjour prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
9. Toutefois, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, ainsi qu'il le fait valoir devant la Cour, démontre que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le médecin qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège qui s'est prononcé sur la demande de Mme F... et qu'ainsi, le refus de titre de séjour sollicité n'a pas été pris au terme d'une procédure irrégulière. Il produit à ce sujet l'attestation de la directrice territoriale de Marseille de l'OFII rédigée le 4 novembre 2019 certifiant que le docteur Ortega Nathalie est l'auteure du rapport médical requis dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour de Mme F... établi le 27 janvier 2019 et transmis le 28 janvier suivant au collège de médecins de l'office constitué par les docteurs Truze, Berta et Sebille. Si Mme F... soutient, en réponse à ce nouvel élément versé devant la Cour, que le rapport n'a pas été produit aux débats, le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins. D'autre part, Mme F... ne peut soutenir, en tout état de cause, que ledit avis du 14 mars 2019 du collège de médecins ne mentionne pas le nom du médecin ayant établi le rapport médical, dès lors que cet avis précise le nom du médecin rapporteur, en l'occurrence Ortega Nathalie, ce que confirme au demeurant l'attestation produite devant la Cour par le préfet. Ainsi Mme F... n'a pas été privée de la garantie de s'assurer que ce médecin n'avait pas siégé au sein du collège qui avait rendu l'avis du 14 mars 2019.
10. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille, pour annuler l'arrêté du 19 mars 2019, s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'avis du 14 mars 2019 du collège de médecins au vu duquel il avait statué, a été pris au terme d'une procédure irrégulière l'entachant d'irrégularité.
11. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme F... devant le tribunal administratif de Marseille.
Sur les autres moyens soulevés par Mme F... :
En ce qui concerne le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, par décret du président de la République en date du 27 juin 2018, publié au journal officiel du 28 juin 2018, M. D... A..., signataire de la décision en litige, a été nommé préfet des Alpes-de-Haute-Provence. Par suite, en se bornant à soutenir qu'il appartient au préfet de justifier de la délégation de signature du signataire, Mme F... ne démontre pas que les décisions qu'elle conteste auraient été signées par une autorité incompétente.
13. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables, notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte, ensuite, des indications précises en ce qui concerne la situation personnelle de la requérante, notamment son parcours devant l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides puis devant la Cour nationale du droit d'asile, en rappelant leurs décisions des 28 juin 2017 et 26 octobre 2017, indique la teneur de l'avis rendu le 14 mars 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et relève que l'intéressée " ne présente aucun élément tendant à établir le caractère indispensable de son maintien en France et/ou une impossibilité de se rendre dans son pays d'origine ". Il précise, enfin, les raisons pour lesquelles son auteur a estimé que le refus d'admission au séjour de Mme F... et son éloignement ne méconnaissaient ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de son article 3 eu égard à son absence de liens personnel ou familial en France, à la circonstance que son époux faisait l'objet d'une mesure d'éloignement, au fait que la présence sur le territoire national de leurs enfants ne suffisait pas à envisager l'admission au séjour de la famille, tout en mentionnant que l'exposition à des traitements inhumains en cas de retour en Serbie n'était pas établie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cet arrêté, qui n'est pas rédigé en termes stéréotypés, serait insuffisamment motivé doit être écarté alors même que le préfet n'a pas fait référence à la scolarisation de ses enfants ni à la blessure de sa fille aînée.
14. En troisième lieu, si Mme F... reproche l'absence de production du rapport médical aux débats, le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
15. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9, l'avis du collège de médecins en date du 14 mars 2019 mentionne le nom du médecin, Ortega Nathalie, ayant établi le rapport médical. L'attestation de la directrice territoriale de Marseille établie le 4 novembre 2019 corrobore l'identité de ce médecin à l'origine du rapport qui a été transmis au collège de médecins. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie de s'assurer que ce médecin n'avait pas siégé au sein du collège qui avait rendu l'avis du 14 mars 2019.
16. En cinquième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
17. L'avis émis le 14 mars 2019 par le collège des médecins de l'OFII précise que l'état de santé de Mme F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé serbe, elle peut en Serbie bénéficier d'un traitement approprié. Si Mme F... affirme que ses " origines roms ... l'exposent à une discrimination dans l'accès aux soins et droits sociaux en République de Serbie " et soutient qu'elle " ne peut être regardée comme pouvant bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ..., pays à l'origine de ses troubles de santé mentale ", elle n'apporte au soutien de cette allégation générale aucun élément personnalisé et les pièces du dossier ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet sur la disponibilité de soins en Serbie. Par suite, à supposer même qu'avait été portée à la connaissance du préfet la circonstance que Mme F... était enceinte de deux mois à la date de la décision attaquée, ce que les pièces du dossier ne démontrent pas, en tout état de cause, les éléments produits par Mme F... ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation du collège des médecins du service médical de l'OFII quant à l'existence effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a édicté la décision contestée.
18. En sixième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
19. Mme F... fait valoir qu'elle réside en France avec son époux et ses quatre enfants depuis son arrivée en France en novembre 2016, que ces derniers suivent une scolarité exemplaire, que sa famille adhère aux valeurs de la République Française et qu'ils ont transféré l'ensemble de leurs centres d'intérêts matériels et moraux en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'époux de Mme F... a fait l'objet d'une décision du 19 mars 2018, concomitante à l'arrêté en litige, par laquelle le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par suite, compte tenu de la durée de séjour en France de Mme F... où elle résidait depuis moins de deux ans et demi à la date de la décision attaquée, et en l'absence d'obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine, nonobstant les efforts d'intégration, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, en refusant de lui délivrer le titre sollicité, n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet se soit livré à une appréciation erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme F..., ni que cette décision relève d'une erreur manifeste d'appréciation
20. En septième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
21. Il résulte de ce qui précède que la décision en litige n'a pas pour effet de séparer la cellule familiale constituée par Mme F..., son époux et ses quatre enfants, et il ne ressort pas des pièces du dossier que ses jeunes enfants, nées en 2009, 2011 et 2013, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
22. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
23. Mme F... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle risque, avec sa famille, d'être soumise à des traitements inhumains et dégradants en raison de ses origines roms. Toutefois, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a fait l'objet d'une décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2017 et que le recours formé à son encontre a été rejeté par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 26 octobre 2017, les pièces produites, d'ordre général tel le rapport annuel d'Amnesty International 2017-2018 sur la Serbie, sont insuffisantes pour démontrer l'existence d'un risque actuel et personnel de traitement inhumain et dégradant à son encontre dans son pays d'origine. Par suite, le moyen doit être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 du jugement n° 1905799 du 18 octobre 2019 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions prises à l'encontre de Mme F... refusant son admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel de Mme F... à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme F... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Les articles 1 et 2 du jugement n° 1905799 du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2019 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par Mme F... devant le tribunal administratif de Marseille et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme E... G..., présidente assesseure,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2020.
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N° 19MA04762