Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 août 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 du préfet de l'Hérault ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délégation de signature conférée à M. D... étant générale, elle est irrégulière, de telle sorte que l'auteur de l'acte est incompétent ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier car il ne mentionne pas les éléments de procédure relatifs à l'examen de sa demande ;
- l'avis du collège de médecins est irrégulier car il ne mentionne pas la durée prévisible du traitement ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle.
La requête de Mme A... a été communiquée au préfet de l'Hérault, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 10 juillet 2020, la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur ;
- et les observations de Me C..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France le 20 février 2017, Mme A..., née le 14 mars 1990 et de nationalité tunisienne, a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable du 13 juin 2018 au 12 juin 2019. Elle a sollicité, le 14 mars 2019, le renouvellement de ce titre de séjour. Le 4 juillet 2019, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. D..., secrétaire général de la préfecture de l'Hérault en vertu d'une délégation de signature conférée par un arrêté n° 2018/I/618 du 8 juin 2018 du préfet de l'Hérault régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas ceux relatifs au séjour des étrangers. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette délégation de signature, qui n'est pas générale, n'est pas irrégulière. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit en conséquence être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. / La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". L'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Article 1 : Les orientations générales du ministre chargé de la santé mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) sont fixées par le présent arrêté. / Article 2 : L'article R. 313-22 du CESEDA confie, dans le cadre de la procédure de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, à un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le soin d'émettre un avis au vu d'un rapport médical établi par un médecin du service médical de cet office. (...) " .
4. D'une part, si l'article 6 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 indique que l'avis doit mentionner " les éléments de procédure ", cette exigence renvoie à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. La requérante n'alléguant pas avoir été ainsi convoquée ou sollicitée pour des examens complémentaires, elle ne fait pas utilement valoir que l'avis du collège de médecins ne comporte à cet égard aucune mention.
5. D'autre part, contrairement à ce que soutient Mme A..., l'avis émis le 12 avril 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'avait pas à mentionner la durée prévisible du traitement dès lors que ce collège a estimé que l'intéressée pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'origine de soins appropriés à son état de santé.
6. Il ressort enfin des pièces du dossier que si Mme A..., qui souffre depuis l'enfance d'une valvulopathie, a été opérée à Montpellier le 21 août 2017 afin de recevoir des valves cardiaques biologiques et a souffert, par la suite, d'une candidémie et d'une endométriose, les pièces qu'elle produit se bornent à faire état de la nécessité d'un suivi et d'un traitement d'entretien sans invoquer l'impossibilité de prodiguer de tels soins en Tunisie. Par ailleurs, si Mme A... soutient qu'elle ne pourrait accéder aux soins pour des raisons financières, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a fait une inexacte application des dispositions précitées en lui refusant le séjour sur leur fondement.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si Mme A... résidait en France depuis deux ans et demi à la date de la décision attaquée et y est hébergée par son oncle, il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui est entrée en France pour la première fois à l'âge de vingt-sept ans, dispose de l'intégralité de ses attaches familiales en Tunisie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de l'Hérault, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En quatrième lieu, compte tenu de ce qui précède, l'état de santé de Mme A..., sa situation personnelle et ses attaches en France ne peuvent être regardés comme susceptibles de caractériser l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pouvant justifier une mesure de régularisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit, en conséquence, être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme A... n'est pas entachée des illégalités que celle-ci lui impute. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, si, aux termes des dispositions de l'article L 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ", il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, que la requérante ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement adapté en Tunisie. Ce moyen doit donc être écarté.
12. En troisième lieu, à l'appui des moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, Mme A... invoque les mêmes arguments qu'à l'encontre de la décision de refus de séjour. Ces moyens doivent donc être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 ci-dessus.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par leur jugement, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 4 juillet 2019. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me C... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme F... G..., présidente assesseure,
- M. E... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.
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N° 20MA03223