Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er avril 2020, M. A..., représenté par E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat, à verser à Me E... en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu son droit à être entendu et violé par suite les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que celles de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration en s'abstenant de lui communiquer le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant l'intervention de la décision attaquée ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il encourt le risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'interruption du traitement, qui n'est pas disponible en Guinée, où il ne pourrait en tout état de cause être soigné dès lors que sa pathologie découle de traumatismes vécus dans ce pays ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 18 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 décembre 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 22 novembre 1985 et entré en France le 15 janvier 2017 selon ses déclarations, a demandé le 22 janvier 2019 à se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 juin 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). ".
3. La décision attaquée est motivée par le fait que, d'une part, l'absence de traitement n'exposerait pas M. A... à un risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, d'autre part, M. A..., qui ne réside pas habituellement en France, pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée dès lors que " la République de Guinée possède des traitements pour la prise en charge de pathologies liées à la santé mentale et met en place un soutien psychosocial ". Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux rédigés par le docteur Smadja, psychiatre de l'intéressé, que M. A... souffre d'une pathologique psychotique qui implique un traitement à base de quiétapine et de miansérine, sans possibilité de substitution, et que l'interruption du traitement engendrerait un risque de suicide. Par ailleurs, si les pièces faisant état de ce risque sont postérieures à la décision attaquée, elles font état d'une situation qui s'inscrit dans la continuité de l'état antérieur de l'intéressé. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la prise en charge médicale des pathologies psychiatriques est, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, très limitée en Guinée, et que seuls quelques médicaments sont occasionnellement disponibles, au nombre desquels ne figurent ni la quiétapine, ni la miansérine. Dans ces conditions, et alors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne statue pas sur la disponibilité du traitement en Guinée, M. A..., qui doit être regardé comme résidant habituellement en France dès lors qu'il y séjournait depuis plus de deux ans à la date de l'arrêté attaqué, est fondé à soutenir que le préfet des Pyrénées-Orientales a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de la décision du préfet des Pyrénées-Orientales refusant d'octroyer un titre de séjour à M. A... implique nécessairement, eu égard au motif pour lequel elle est prononcée, que ce titre lui soit délivré. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais du litige :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1904709 du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 juin 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer un titre de séjour à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me E... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... A..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme D... F..., présidente assesseure,
- M. C... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2020.
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N° 20MA01514
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