Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2020, Mme B..., représentée par Me Bochnakian, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2018 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, et à défaut, d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente de cet examen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, également sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du préfet méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que ses deux filles vivent en France et que son état de santé l'empêche de vivre seule dans son pays d'origine, l'Algérie ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Var le 20 juillet 2020 qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 29 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 avril 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,
- et les observations de Me Bochnakian pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement n° 1801097 du 12 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 du préfet du Var qui a rejeté sa demande de titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : ...5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si Mme B... ne réside en France que depuis le 17 juillet 2017, elle n'a plus de famille en Algérie, son époux étant décédé, alors que ses deux filles et leurs familles respectives possèdent toutes la nationalité française. Il résulte des pièces médicales qu'elle produit que Mme B... souffre d'un diabète, d'une dyslipidémie, d'une bronchite chronique et d'un syndrome cérébelleux, ses filles paraissant être les seules personnes susceptibles de lui offrir l'assistance dont elle a besoin dans sa vie quotidienne. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que le préfet du Var, en rejetant sa demande de titre de séjour, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2018 du préfet du Var.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. L'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet du Var de délivrer à Mme B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1801097 du 12 juin 2020 du tribunal administratif de Toulon et l'arrêté du 14 février 2018 du préfet du Var sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à Mme B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat, au profit de Mme B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... veuve C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. A... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 septembre 2021.
N° 20MA02217 2