Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2014 et le 26 septembre 2015, la SA Polyclinique Saint-Jean, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 décembre 2013 ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2009 par laquelle la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation Provence-Alpes-Côte d'azur lui a infligé une sanction financière de 80 000 euros sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale ;
3°) de condamner la défenderesse à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport de synthèse placé en annexe de la proposition de sanction du 29 juin 2009 n'était pas complet et que ce caractère incomplet a porté atteinte aux droits de la défense ;
- l'annexe 3 n'a été paraphée que par un seul des médecins contrôleurs ;
- la décision du 10 novembre 2009 est insuffisamment motivée ;
- la décision est incohérente ;
- la décision ne permet pas de comprendre la méthode de calcul de la sanction, ni de comprendre pourquoi elle s'élève à 80 000 euros, alors qu'à l'origine il était prévu 115 158 euros ;
- aujourd'hui, la sanction ne pourrait excéder 903 euros ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2015, le ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la SA Polyclinique ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 1er avril 2016, la SA Polyclinique Saint-Jean, représentée par Me C..., conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; elle soutient au surplus :
- que la procédure méconnaît le principe d'impartialité ;
- que le décret n° 2011-1209 du 29 septembre 2011 prévoit des sanctions maximales plus faibles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SA Polyclinique Saint-Jean.
1. Considérant que la SA Polyclinique Saint-Jean à Cagnes-sur-mer a fait l'objet, dans le cadre du programme régional de contrôle de l'année 2008 de l'agence régionale de l'hospitalisation Provence-Alpes-Côte d'azur, d'un contrôle externe de la tarification à l'activité prévu par l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale portant sur la facturation de l'activité d'accueil et de traitement des urgences (ATU) de l'année 2007 ; qu'au terme de ce contrôle, 6 des 150 dossiers choisis par tirage au sort ont été regardés comme ne relevant pas d'une facturation d'urgence ; que la SA Polyclinique Saint-Jean relève appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 novembre 2009, notifiée le 7 décembre 2009, par laquelle la commission exécutive de l'agence régionale d'hospitalisation lui a infligé une sanction financière de 80 000 euros en raison de manquements aux règles de facturation ;
2. Considérant que contrairement à ce que soutient la Polyclinique, le tribunal a répondu au point 6 du jugement au moyen tiré de ce que le rapport de synthèse n'est signé que par l'un de ses rédacteurs, le docteur Sciortino, alors qu'il est rédigé par ce dernier mais également par Mme B...A... ; qu'il a également répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la décision aux points 3, 4 et 8 ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 : " Les établissements de santé sont passibles, après qu'ils ont été mis en demeure de présenter leurs observations, d'une sanction financière en cas de manquement aux règles de facturation fixées en application des dispositions de l'article L. 162-22-6, d'erreur de codage ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. / Cette sanction est prise par la commission exécutive mentionnée à l'article L. 6115-2 du code de la santé publique, à la suite d'un contrôle réalisé sur pièces et sur place par les médecins inspecteurs de santé publique ou les praticiens-conseils des organismes d'assurance maladie mentionnés au sixième alinéa de l'article L. 1112-1 du même code en application du programme de contrôle régional établi par ladite commission. Elle est notifiée à l'établissement. Son montant est fonction du pourcentage des sommes indûment perçues par rapport aux sommes dues. Il est calculé sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement ou, si le contrôle porte sur une activité, une prestation en particulier ou des séjours présentant des caractéristiques communes, sur la base des recettes annuelles d'assurance maladie afférentes à cette activité, cette prestation ou ces séjours, dans la limite de 5 % des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement.(...) " ; qu'il résulte de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale que les sanctions qu'il prévoit sont prises après que les établissements qui en font l'objet ont été mis en demeure de produire des observations ;
4. Considérant que si le rapport de synthèse placé en annexe de la proposition de sanction du 29 juin 2009 n'était pas complet, cette seule circonstance n'est pas de nature à entacher la procédure dès lors que la SA Polyclinique a été en mesure de connaître avec précision les griefs qui lui étaient reprochés avant que la sanction en cause ne lui soit infligée ; que, pour la même raison, la seule circonstance que l'annexe 3 n'a été paraphée que par un seul des médecins contrôleurs n'a pas de conséquence sur la régularité de la procédure, dès lors que la requérante n'a été privée d'aucune garantie, et que cette irrégularité, à la supposer démontrée, n'a pas eu d'influence sur la décision prise ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : "... doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporte l'économie des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'une sanction financière prononcée en application de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale constitue une décision administrative infligeant une sanction qui doit être motivée au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;
6. Considérant que la délibération de la commission exécutive de l'agence régionale d'hospitalisation du 10 novembre 2009 mentionne la facturation par la SA Polyclinique Saint-Jean, au titre de l'activité d'urgence, de soins programmés pour lesquels le caractère inopiné et urgent n'a pas été retrouvé dans les éléments médicaux des dossiers concernés ; qu'elle a ainsi estimé que les forfaits relatifs à l'accueil et au traitement des urgences (ATU) ne sont pas facturables pour six dossiers ; que par ailleurs, la notification de cette décision comprenait une annexe qui précisait le calcul du montant maximum de la sanction pouvant être infligée par l'administration ; qu'elle visait les articles L. 161-2218, et R. 162-8 à R 162-42-13 du code de la sécurité sociale et les articles L. 6113-7 et L. 6113-8 du code de la santé publique ; qu'elle fait référence au rapport de synthèse du 4 juin 2009 qui a été communiqué à la requérante, ainsi qu'à la proposition de la commission exécutive du 9 juin 2009 envisageant une sanction de 115 158 euros ; qu'ainsi la décision était suffisamment motivée en fait et en droit ; que s'il est vrai que le montant envisagé le 28 juin 2009, qui s'élevait à 115 158 euros, a été ramené à 80 000 euros par la décision attaquée du 10 novembre 2009, la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation n'était pas tenue de motiver spécifiquement la réfaction qu'elle effectuait sur le montant maximum de la sanction qu'elle était autorisée à infliger, dès lors que cette réfaction n'est pas en lien avec le calcul de la sanction, mais résulte du seul pouvoir discrétionnaire de l'administration d'abattre le montant de la sanction ; qu'elle n'est pas entachée de contradiction au seul motif qu'elle a indiqué que " le pourcentage de forfaits APU est faible par rapport au nombre total de passages contrôlés " ; qu'au total, la décision attaquée est donc suffisamment motivée ;
7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le docteur Sciortino, signataire du rapport de synthèse, aurait participé à la séance de la commission qui a infligé la sanction en cause ; qu'ainsi, en tout état de cause, le principe d'impartialité n'a pas été méconnu ;
8. Considérant que, en ce qui concerne les griefs reprochés à la Polyclinique, il y a lieu d'adopter les motifs des premiers juges, qui ne sont pas utilement critiqués en appel par la SA Polyclinique ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article R 162-42-12 : " ... Le montant de la sanction ne peut excéder dix fois le montant des sommes indûment perçues par l'établissement, déduction faite des sommes dues par les caisses au titre des sous-facturations constatées sur l'échantillon. Le montant de la sanction est inférieur à la limite de 5 % de la totalité des recettes annuelles d'assurance maladie de l'établissement au titre de l'année civile antérieure au contrôle.... " ; que l'autorité administrative n'a pas méconnu ces dispositions en décidant d'une sanction d'un montant de 80 000 euros ; que ces plafonds n'instituent aucune disproportion manifeste entre la gravité des infractions poursuivies et les sanctions dont elles sont assorties ; qu'ainsi, l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant qu'un recours devant le juge administratif tendant à l'annulation d'une sanction prononcée à l'encontre d'un établissement de santé sur le fondement de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale, qui a le caractère d'une sanction visant à réprimer la méconnaissance des règles particulières auxquelles est soumis l'exercice d'une activité professionnelle déterminée, relève du contentieux de l'excès de pouvoir ; que le juge de l'excès de pouvoir statuant en vertu de la législation applicable à la date de la décision attaquée, la SA Polyclinique n'est pas fondée à invoquer l'application du décret n° 2011-1209 du 29 septembre 2011 modifiant les dispositions relatives au contrôle de la tarification à l'activité des établissements de santé, qui est postérieur à la décision attaquée ; que le moyen tiré de ce que la Cour serait tenue d'appliquer immédiatement la loi pénale plus douce ne peut être qu'écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Polyclinique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; qu'il y a dès lors lieu de rejeter sa demande formulée sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête susvisée de la SA Polyclinique Saint-Jean est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Polyclinique Saint-Jean, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et au ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 juillet 2016.
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N° 14MA00729