Par un jugement n° 1404065 du 24 février 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 avril 2017 et 16 mars 2018, la société Germain, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner la commune de Saint-Sauveur-Camprieu à lui verser la somme de 2 800 euros au titre des frais de présentation de sa candidature, la somme de 141 667,24 euros au titre du manque à gagner, la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral et commercial, et d'assortir lesdites sommes des intérêts au taux légal à compter de la date de lecture de l'arrêt à intervenir, ainsi que la capitalisation des intérêts ;
3°) d'ordonner à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, sur le fondement de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, la communication de documents administratifs ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu une somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il a admis en intervention volontaire la société Faurie et qu'il a refusé d'ordonner un supplément d'instruction ;
- la commune a méconnu le principe de transparence des procédures et l'article 53 du code des marchés publics en ce qui concerne la mise en oeuvre du critère " démarche qualité " ;
- elle a présenté, au titre du critère de la valeur technique, un planning prévisionnel des travaux qui était suffisamment précis ;
- la commune n'aurait pas dû accepter et bonifier, à titre de variante, le réemploi de matériaux du site ;
- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation en attribuant à la société Faurie une note de 5 au titre de la protection de l'environnement ;
- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation sur le critère des délais d'exécution ;
- elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché et doit être indemnisée à ce titre.
Par un mémoire enregistré le 7 mars 2018, la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, représentée par Me B..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la société Cereg Ingenieurs Conseils la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, et à ce qu'une somme de 3 000 euros à lui verser soit mise à la charge de la société Germain TP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 mars 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une lettre en date du 4 septembre 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la solution de l'affaire était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que la société Faurie, qui ne se prévaut d'aucun droit auquel la décision à rendre est susceptible de préjudicier, n'est pas recevable à former une intervention.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur ;
- les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., représentant la société Germain.
Une note en délibéré présentée par la société Germain a été enregistrée le 28 septembre 2018
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Sauveur-Camprieu a attribué à la société Faurie, selon une procédure adaptée et après négociation, le lot n° 2 d'un marché public portant sur la réalisation de réseaux d'adduction d'eau potable et d'assainissement. Le 25 juin 2012, le maire a informé la société René Germain TP, classée deuxième, du rejet de son offre, et lui a ensuite communiqué, le 3 juillet 2012, le rapport d'analyse des offres. La société Germain, venant aux droits de la société René Germain TP, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de condamnation de la commune à lui verser la somme de 164 467 euros en réparation des conséquences dommageables de son éviction, qu'elle estime irrégulière.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La circonstance que la commission d'accès aux documents administratifs a, le 7 novembre 2013, émis un avis favorable à la communication, par la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, de certains documents administratifs se rapportant au marché litigieux ne saurait caractériser, par elle-même, une irrégularité du jugement attaqué en ce que le tribunal s'est abstenu d'imposer, par mesure d'instruction, la production de ces mêmes documents. Au demeurant, la commune a annexé à son mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2016, dûment communiqué à la société Germain, le cahier des clauses techniques particulières, le cahier des clauses administratives particulières, l'acte d'engagement, les ordres de service, le procès-verbal des opérations préalables à la réception, le procès-verbal de réception des travaux, le procès-verbal relatif à la levée des réserves, ainsi que le décompte général des travaux réalisés par la société Faurie. Compte tenu de la solution qu'il a apportée au litige et des motifs sur lesquels il l'a appuyée, le tribunal n'avait pas à exiger la production de pièces complémentaires.
3. Les premiers juges, en revanche, ont à tort admis l'intervention de la société Faurie, qui, dans le cadre du contentieux purement indemnitaire engagé par la société Germain, ne pouvait se prévaloir d'aucun droit auquel la décision à rendre serait susceptible de préjudicier. Le jugement attaqué doit dès lors être annulé en tant que, en son article premier, il a admis cette intervention.
4. Il y a lieu, dans cette mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'intervention de la société Faurie devant le tribunal.
Sur l'intervention en première instance de la société Faurie :
5. Compte tenu de ce qui vient d'être énoncé, cette intervention ne peut être admise.
Sur le bien-fondé des autres énonciations du jugement attaqué :
6. Aux termes de l'article 53 du code des marchés publics alors en vigueur : " I - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :/ 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique (...) / II - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. (...) Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence ou dans les documents de la consultation (...) ; III- Les offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue ". Est notamment irrégulière une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète.
7. En vertu de l'article 6.2 du règlement de la consultation, intitulé " pièces relatives à l'offre ", les soumissionnaires étaient invités à produire notamment, s'agissant du lot n° 2, un " mémoire justificatif des dispositions que le candidat se propose d'adopter pour l'exécution des travaux qui devra mentionner obligatoirement : - une note précisant les dispositions techniques (moyens humains et matériels) que l'entrepreneur se propose de mettre en oeuvre pour réaliser le chantier, - l'organisation générale du chantier, et en particulier le mode de réalisation du chantier (planning) et les modes d'exploitation envisagés ainsi que la prise en compte du phasage avec les autres lots concernés par le chantier (...) ". Selon le dernier alinéa du même article : " Les candidats sont informés que le mémoire technique qui est destiné à être contractualisé, est un document indispensable à l'appréciation des offres. Par conséquent, sa non production ou le non respect du formalisme décrit au cadre du mémoire technique ci-avant aura pour conséquence de rendre l'offre irrégulière ".
8. La société requérante produit un planning prévisionnel des travaux, détaillant dix-huit taches, de la signalisation du chantier à son repliement. Toutefois, ni ce document ni aucune autre pièce de son offre ne comportent de précisions sur le phasage de l'opération avec les autres lots du chantier, en méconnaissance des informations exigées par le règlement de la consultation. En conséquence, la commune de Saint-Sauveur Camprieu était tenue, à défaut pour l'entreprise société Germain d'avoir fourni de telles précisions, d'éliminer son offre comme incomplète et donc irrégulière. Par suite, la société Germain ne peut prétendre avoir été irrégulièrement évincée de la procédure de marché litigieuse et était, en tout état de cause, dépourvue de toute chance de remporter le lot n° 2 des travaux d'assainissement envisagés. Aucun droit à réparation, dans ces conditions, ne lui est ouvert.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, que la société Germain n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Germain, partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Germain au titre des frais exposés par la commune de Saint-Sauveur-Camprieu à ce même titre et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 février 2017 est annulé.
Article 2 : L'intervention de la société Faurie devant le tribunal administratif n'est pas admise.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Germain est rejeté.
Article 4 : La société Germain versera une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Germain, à la commune de Saint-Sauveur-Camprieu et à la société Faurie.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
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N° 17MA01635