Par un jugement n° 1505110 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, venant aux droits de l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier, à verser la somme de 14 609,82 euros hors taxes à l'entreprise Jean-Paul André au titre du solde du marché, augmentée des intérêts moratoires au taux légal à compter du 23 septembre 2015 ainsi que la somme de 12 903,12 euros hors taxes au titre de la retenue de garantie et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mai 2017, l'entreprise Jean-Paul André, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'infirmer ce jugement en ce qu'il reconnaît fondée l'infliction de pénalités de retard ;
2°) de réintégrer ces pénalités au sein du décompte du marché et de condamner l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole à lui verser la somme de 34 504 euros ;
3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai contractuel d'exécution n'ayant pas été dépassé et aucune constatation de ce dépassement n'ayant été effectuée, elle ne saurait être redevable de pénalités ;
- l'éventuel retard est imputable à l'entreprise titulaire du lot n° 2 du marché ;
- le délai contractuel a en tout état de cause été prorogé pour la réalisation des plantations ;
- le délai de levée des réserves ne peut faire l'objet de pénalités et un délai supplémentaire lui avait en tout état de cause été accordé ;
- le calcul des pénalités ne peut être effectué qu'à compter du 13 septembre 2012, date de réception des travaux ;
- le cumul de l'infliction des pénalités et de la décision de résiliation conduit à l'application de deux sanctions pour les mêmes faits.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2017, l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'entreprise Jean-Paul André en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le délai contractuel d'exécution des travaux a été dépassé et ce retard est imputable à l'entreprise ;
- le retard dans la levée de réserves peut faire l'objet de pénalités dès lors qu'il constitue un retard sur un délai partiel au sens de l'article 4.3.1.2 du cahier des clauses administratives particulières et que, en application de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales, les pénalités sont dues jusqu'à la notification de la décision de résiliation ;
- l'infliction des pénalités constitue une sanction différente de la résiliation et est fondée sur des faits différents ;
- la réception ayant eu lieu le 12 mars 2013, le tribunal était fondé à appliquer les pénalités jusqu'au 16 juillet 2012 ;
- l'absence de notification du marché de substitution est sans incidence sur la régularité de la procédure de résiliation ;
- l'absence de notification du décompte général est sans incidence sur la régularité de la procédure de résiliation ;
- les demandes de paiement présentées par l'entreprise Jean-Paul André sont infondées.
Par une ordonnance du 4 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le décret n° 2002-232 du 5 février 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de Me D... substituant Me A..., représentant l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier a conclu le 20 octobre 2009 un marché de travaux publics avec l'entreprise Jean-Paul André en vue de la réalisation des travaux du lot n° 1, " voiries et réseaux divers-espaces verts ", d'une opération de construction de vingt maisons d'habitation à Jacou. Ce marché a été résilié à ses frais et risques le 28 février 2013. L'entreprise ayant mis en demeure le maître de l'ouvrage, le 8 juin 2015, de lui régler les prestations réalisées en exécution de ce marché, ce qui lui a été implicitement refusé, elle a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande contentieuse aux fins de condamnation du maître de l'ouvrage à lui verser les sommes qu'elle estimait lui demeurer dues. Le tribunal a, par son jugement du 9 mars 2017, condamné l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, venu aux droits de l'office public de l'habitat de la communauté d'agglomération de Montpellier, à verser la somme de 14 609,82 euros hors taxes à la requérante au titre de ces prestations, après déduction d'une somme de 34 504 euros au titre des pénalités de retard, ainsi que la somme de 12 903,12 euros correspondant à la retenue de garantie pratiquée par le maître de l'ouvrage. L'entreprise ne conteste ce jugement qu'en ce qu'il lui a infligé des pénalités de retard.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 20.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue du décret du 20 janvier 1976, applicable au marché en cause en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières : " 20.1. En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du C.C.A.P., une pénalité journalière de 1/3.000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ; il est évalué à partir des prix de base définis au 11 de l'article 13. / Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d'oeuvre. (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 41.3 du même cahier : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. / A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre sont considérées comme acceptées. / La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. (...) ". Enfin, aux termes des stipulations de l'article 41.6 de ce document : " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur ". Le cahier des clauses administratives particulières du marché prévoit quant à lui, en son article 4.3.1 intitulé " pénalités pour retard dans l'exécution - primes pour avances - autres primes ", d'une part, que " pour les entreprises générales et pour les groupements d'entreprises conjointes, tout retard dans la livraison de l'opération ou d'une tranche de livraison assortie d'un délai partiel donne lieu (...) à l'application d'une pénalité (...) " et, d'autre part, que " Pour les entreprises non groupées tout retard constaté sur un délai global ou partiel donne lieu à application (...) d'une pénalité ".
3. Ainsi que le soutient l'entreprise Jean-Paul André, il résulte des stipulations de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales que les pénalités de retard ne peuvent être infligées à l'entrepreneur qu'en vue de l'exécution des travaux et ce jusqu'à leur achèvement, lequel se confond avec la date de réception des ouvrages lorsque ceux-ci peuvent être regardés comme achevés au sens des clauses du cahier des clauses administratives générales. A compter de la réception, en revanche, les ouvrages étant achevés, seule la sanction de la mise en régie peut être prononcée à l'encontre de l'entrepreneur en vertu de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales. A cet égard, si l'article 20 du cahier des clauses administratives générales stipule que les pénalités de retard courent jusqu'à la résiliation, il résulte de sa combinaison avec les stipulations de l'article 41 du même cahier que cette possibilité n'est ouverte que lorsque la résiliation du marché intervient avant la réception des travaux.
4. Par ailleurs, s'il est possible au maître de l'ouvrage de déroger à cette règle et d'instituer une pénalité pour retard dans la levée des réserves formulées à la réception, cette dérogation doit résulter clairement des termes du contrat. En l'espèce, les stipulations de l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières, dont l'intitulé se réfère explicitement à la seule exécution des travaux et qui ne mentionnent pas la levée des réserves, ne peuvent être comprises comme instituant une telle dérogation.
5. Il résulte en l'espèce de l'instruction que le maître d'oeuvre a proposé, le 7 septembre 2012, de prononcer la réception des travaux avec réserves, ceux-ci pouvant être regardés comme achevés eu égard au caractère mineur des réserves alors formulées. En l'absence d'opposition du maître de l'ouvrage à cette proposition du maître d'oeuvre, la réception doit être regardée comme étant intervenue à cette date en vertu du deuxième alinéa de l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'aucun retard n'a été reproché à l'entreprise Jean-Paul André lors de l'exécution des travaux antérieurs à cette date et l'office, qui ne fait état d'aucun élément de fait de nature à établir la réalité de retards avant la réception, n'impute expressément à l'intéressée que le retard mis à lever les réserves formulées lors de la réception. Il s'ensuit que la requérante est fondée à soutenir, d'une part, que ce retard ne saurait donner lieu à l'infliction de pénalités et, d'autre part, que c'est à tort que les premiers juges ont, par leur jugement, inscrit ces pénalités au décompte général du marché et les ont déduites des sommes dues à l'entreprise.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise Jean-Paul André est fondée à demander que la somme de 34 504 euros soit réintégrée au décompte général du marché, à ce que le solde de celui-ci soit fixé à la somme de 49 113,82 euros hors taxes et, par voie de conséquence, à ce que la somme qui lui a été allouée par le tribunal, augmentée des intérêts à compter de la date retenue par ce dernier, soit portée à ce montant.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole sur leur fondement soit mise à la charge de l'entreprise Jean-Paul André, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu au contraire de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole, à verser à l'entreprise Jean-Paul André en application de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le montant du solde du marché arrêté par l'article 1er du jugement n° 1505110 du 9 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier et de la condamnation prononcée au titre de ce solde par l'article 2 de ce jugement sont portés à 49 113,82 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1505110 du tribunal administratif de Montpellier du 9 mars 2017 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole versera une somme de 2 000 euros à l'entreprise Jean-Paul André en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise Jean-Paul André et à l'office public de l'habitat Montpellier Méditerranée Métropole.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. E... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
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N° 17MA01844