Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2018, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 3 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il justifie de sa résidence habituelle en France depuis plus de trente-sept ans par les nombreuses pièces qu'il produit ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié en matière de séjour et de travail ;
- l'accord cadre franco-tunisien du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations au développement solidaire ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... Steinmetz-Schies, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né le 11 janvier 1959, de nationalité tunisienne, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en 1980 et s'y être continuellement maintenu depuis lors. Le 23 août 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nice le 16 janvier 2017 et par la cour administrative d'appel de Marseille le 19 octobre 2017. Par un arrêté du 3 novembre 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a de nouveau prescrit à M. A... C... de quitter le territoire français, cette fois sans délai, à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... C...relève appel du jugement, en date du 3 novembre 2017, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il résulte de l'instruction que les pièces versées au dossier par M. A... C..., si elles attestent de son séjour sur le territoire français entre 1980 et 2017, ne permettent pas de démontrer le caractère habituel et continu de sa résidence en France durant cette période, dès lors que, d'une part, la plupart des documents produits (attestations de droit à l'assurance maladie, factures) n'établissent qu'une présence ponctuelle sur le territoire français et que, d'autre part, aucune pièce ne justifie d'une présence de mai 1983 à septembre 1988, de décembre 1994 à juin 1996 et d'avril 2007 à février 2009. La circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes a saisi la commission du titre de séjour, qui a rendu le 18 juillet 2016 un avis défavorable, est à cet égard sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par ailleurs, si M. A... C...fait valoir qu'il a participé à l'éducation et à l'entretien du fils d'une ancienne compagne, que ses frères et soeurs sont présents en France et que ses parents sont décédés, il est célibataire et sans enfant. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. En deuxième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " . L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule quant à lui, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... C..., célibataire et sans enfant, ne démontre pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, avoir résidé habituellement en France. Il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et ne démontre pas être dépourvu d'attaches avec la Tunisie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le bénéfice d'une mesure de régularisation à titre exceptionnel doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce que la somme réclamée par M. A... C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme D... Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2018.
N° 18MA00670 5