Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 mars 2018, M.D..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 13 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet a commis un vice de procédure découlant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait quant aux motifs et aux conditions de son arrivée en France ;
- le préfet a fait une inexacte application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a également méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C...Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré pour la première fois en France le 15 mars 2014 selon ses déclarations, M. D..., né le 13 mars 1980 et de nationalité nigériane, a demandé le 21 juin 2016 à bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 juillet 2016, toutefois annulé par un jugement du tribunal administratif de Nice du 26 janvier 2017 en raison d'un vice de forme. Le tribunal ayant enjoint au préfet de réexaminer la demande de M. D..., celle-ci a été de nouveau rejetée par un arrêté du 13 avril 2017 assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code précise que " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision attaquée mentionne les circonstances de droit et de fait qui constituent le fondement du refus de séjour opposé à M.D..., qui est ainsi suffisamment motivé. La mesure d'éloignement, quant à elle, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation complémentaire, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel " la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français (...) n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ".
4. En deuxième lieu, l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". L'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose quant à lui : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est dès lors inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union et qu'il appartient en conséquence aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. L'étranger demandeur d'un titre de séjour, du fait même de l'accomplissement de cette démarche volontaire, ne saurait ignorer qu'il est susceptible de faire l'objet d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement consécutive à cette décision. Par ailleurs, en application de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, étant tenu de se présenter auprès des services administratifs compétents pour y souscrire sa demande de titre de séjour, il est en mesure, à cette occasion, de faire valoir tout argument, élément de fait ou de droit de nature à appuyer cette demande et à faire obstacle, le cas échéant, à une mesure d'éloignement.
7. Ainsi qu'il a été dit au 1 ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé une demande de titre de séjour le 21 juin 2016 et l'a complétée le 22 juillet suivant. Il a ensuite contesté le premier arrêté du préfet des Alpes-Maritimes dans le cadre de la procédure contentieuse menée devant le tribunal administratif de Nice ayant abouti au jugement du 26 janvier 2017. Il a ainsi pu faire valoir les raisons pour lesquelles il contestait le refus de séjour et la mesure d'éloignement prise à son encontre. Dès lors, en se bornant à soutenir qu'il " n'a jamais pu être reçu et entendu dans des conditions favorables par un agent préfectoral ", M. D...n'établit pas qu'il n'aurait pu présenter de manière utile et effective son point de vue sur les décisions de refus de séjour et d'éloignement attaquées. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que le droit d'être entendu, partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne, aurait été méconnu par le préfet des Alpes-Maritimes. La décision de refus de séjour étant par ailleurs intervenue sur sa demande et l'obligation de quitter le territoire français devant être regardée comme la conséquence de cette demande, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit également être écarté.
8. En troisième lieu, la circonstance que l'arrêté attaqué aurait été notifié avec retard à M. D..., qui n'a trait qu'aux conditions de son exécution et au déclenchement du délai de recours, est sans incidence sur sa légalité.
9. En quatrième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet quant aux conditions d'entrée en France du requérant est dépourvu des précisions qui permettraient à la cour de statuer sur son bien-fondé. Il doit donc être écarté.
10. Il ressort des pièces du dossier, en cinquième lieu, que le préfet des Alpes-Maritimes a examiné la situation de l'intéressé avant d'édicter l'arrêté attaqué. Le moyen tiré d'une erreur de droit commise à ce titre doit dès lors être écarté.
11. En sixième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose quant à lui : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
12. M. D...est entré irrégulièrement en France le 15 mars 2014 selon ses déclarations. La continuité de son séjour de cette date à celle de l'arrêté attaqué ne peut toutefois être regardée comme établie par les pièces qu'il produit. En outre et en tout état de cause, M. D... n'établit ni n'allègue disposer de liens familiaux privés en France et son insertion socioprofessionnelle est demeurée très limitée. Il n'établit pas davantage qu'il serait dépourvu de toute attache au Nigéria, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent dès lors être écartés, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.
13. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".
14. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle exposé à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
15. Au cas présent, aucune des circonstances de fait invoquées par M. D..., qui n'établit pas, notamment, avoir occupé un emploi depuis son entrée en France, ne permet de considérer que le préfet des Alpes-Maritimes, en ne régularisant pas la situation de l'intéressé par la délivrance du titre de séjour sollicité, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
17. M.D..., s'il fait état en termes généraux de la violence régnant au Nigeria, n'apporte aucun élément nouveau, devant la Cour, quant aux risques qu'il encourrait personnellement en cas de retour dans ce pays, et qui n'ont pas été jugés suffisamment établis par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations précitées.
18. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de l'éloignement ;
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 avril 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me A...sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. C...Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 octobre 2018.
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N° 18MA01223