Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2019, sous le n° 19MA05662, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, Me A..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait ;
- l'arrêté contesté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.
Un courrier du 31 décembre 2019 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Une ordonnance portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 4 juin 2020.
Un mémoire présenté pour Mme B... a été enregistré le 26 juin 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 23 septembre 1943, de nationalité argentine, relève appel du jugement du 14 mai 2019 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a vécu régulièrement sur le territoire français de 1974 à 1982. Elle a, par ailleurs, mené une carrière internationale de harpiste. Son fils aîné et son ex-époux sont décédés en 2005 et 2011. Elle réside désormais chez son fils cadet de nationalité française où elle s'occupe de ses deux petits-enfants, sa belle-fille étant atteinte d'une maladie grave. Au surplus, elle a créé, le 6 janvier 2019, une association dénommée " Clave de Sol " ayant pour objet, notamment, d'enseigner la musique et de promouvoir la diffusion de spectacles vivants. Mme B... a dès lors développé sur le territoire national de multiples relations professionnelles et artistiques et est dépourvue d'attache familiale dans son pays d'origine. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, eu égard à la densité et à l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France où elle justifie d'une bonne intégration, le préfet de l'Hérault, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
3. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 janvier 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
5. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 janvier 2019 implique nécessairement, compte tenu de l'absence de changements de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, qu'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " soit délivrée à Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer ce document dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 mai 2019 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 janvier 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 1 000 euros, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
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N° 19MA05662
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