Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) si nécessaire, de désigner un expert chargé de se prononcer sur la question de savoir si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 11 janvier 1988, est entré en France le 25 mai 2012 selon ses déclarations. Il a sollicité le 7 janvier 2019 la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Toutefois, au vu de l'avis émis le 6 mai 2019 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé, par un arrêté du 24 juillet 2019, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône.
2. En vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
3. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
4. L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de 1'Office français de 1'immigration et de 1'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'avis du collège de médecins de l 'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de 1'affection en cause. L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. Afin de contribuer à 1'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à 1'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ". Enfin, selon 1'annexe II de cet arrêté : " C. - Points particuliers concernant les pathologies les plus fréquemment concernées : (...) d) Cancers et autres pathologies lourdes et/ou chroniques / L'approche retenue pour formuler les recommandations pour les pathologies spécifiées ci-dessus peut servir de grille d'interprétation pour toute pathologie lourde et/ou chronique, les éléments principaux pris en considération étant communs à l'ensemble de ces pathologies : moyens (matériels et humains), prise en charge sanitaire, continuité des soins, approvisionnement et distribution de médicaments, etc. (...) ".
5. En vertu des dispositions citées aux points 2 à 4, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue au 11° de l'article L. 313-11, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l'arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l'immigration et de la santé. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l'affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l'ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l'arrêté du 5 janvier 2017.
6. Il ressort des pièces du dossier et plus précisément des informations médicales communiquées par M. B..., que celui-ci souffre de " spondylarthrite ankylosante axiale et périphérique " soignée par biothérapie depuis août 2018. Il résulte de l'avis émis le 6 mai 2019, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait néanmoins y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Si M. B... produit plusieurs certificats médicaux établis par le chef du service de rhumatologie du centre hospitalier régional universitaire de Nîmes, desquels il résulte qu'il est pris en charge dans ce service et que l'activité de la spondylarthrite a nécessité l'instauration d'un traitement par anti TNF alpha de type Enbrel avec une très bonne réponse thérapeutique rendant nécessaire la poursuite du traitement, ainsi que des certificats médicaux attestant que ce biomédicament n'est pas disponible au Maroc, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause le constat fait par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'offre de soins pour la pathologie dont l'intéressé est atteint existe dans son pays d'origine. Ce constat est, au demeurant, corroboré par les pièces versées au dossier de première instance par le préfet des Bouches-du-Rhône, desquelles il ressort que les maladies du système ostéo-articulaire telles que la spondylarthrite ankylosante sont prises en charge sur l'ensemble du territoire marocain et qu'y sont disponibles notamment des traitement immunosuppresseurs utilisés dans les atteintes sévères de la maladie, ainsi que sa surveillance clinique et biologique. Ainsi, à supposer qu'un traitement par anti TNF alpha ou un médicament substituable ne soit pas disponible au Maroc, il ne ressort pas des pièces du dossier, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que le suivi médical de l'intéressée ne pourrait y être assuré dans des conditions adaptées à son état, un traitement approprié n'étant pas nécessairement un traitement identique ou équivalent à celui dont il serait susceptible de bénéficier en France. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, refuser de délivrer un titre de séjour pour raisons médicales à M. B....
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. B... aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. B... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience 4 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
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N° 19MA05482
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