Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017, Mme A... veuveD..., représentée par Me Traversini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 15 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 25 janvier 2017 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure pour défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;
-la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner les caractéristiques de l'emploi en qualité d'agent d'entretien auquel elle postule.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Mme A... veuve D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 septembre 2017.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A... veuveD..., née le 29 juillet 1957, de nationalité philippine, relève appel du jugement en date du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 25 janvier 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle serait renvoyée à l'expiration de ce délai ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2./ L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans./ Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 312-2 de ce code : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance./ La commission est également saisie dans les cas prévus aux articles L. 313-14 et L. 431-3. / Cette demande d'avis est accompagnée des documents nécessaires à l'examen de l'affaire, comportant notamment les motifs qui conduisent le préfet à envisager une décision de retrait, de refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, ainsi que les pièces justifiant que l'étranger qui sollicite une admission exceptionnelle au séjour réside habituellement en France depuis plus de dix ans. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... veuve D...produit, pour la période de dix années qui précède l'arrêté en litige du 25 janvier 2017, divers documents pour établir le caractère habituel de sa présence en France ; que s'agissant plus particulièrement de la période antérieure à 2011 pour laquelle les premiers juges ont estimé que la preuve de sa présence n'était pas rapportée, l'intéressée fournit des documents émanant de la caisse primaire d'assurance maladie à laquelle elle est rattachée, que ce soient des attestations d'admission à l'aide médicale d'Etat au titre de l'année 2007, puis au titre de chaque année à compter de 2009, ou des relevés de prestations dont elle a bénéficié en 2008 ; qu'elle produit également des attestations d'emploi délivrés par le Centre national du Chèque Emploi Service Universel (CESU) justifiant l'exercice d'une activité professionnelle d'aide à domicile chez des particuliers, quelques mois par an de 2007 à 2010, puis tous les mois hors période de congés, à compter de 2011 ; qu'elle produit en outre, les copies de l'intégralité de ses trois passeports, le premier valable du 13 avril 2005 au 13 avril 2010 muni d'un Visa C avec tampon du 29 juin 2005 faisant état de son entrée dans l'espace Schengen via l'Allemagne, et les passeports suivants, délivrés cette fois en France par l'Ambassade des Philippines à Paris , l'un valable du 1er mars 2010 au 28 février 2015, l'autre du 20 novembre 2014 au 19 novembre 2019, et qui sont vierges de toute indication de sortie du territoire français ; qu'au demeurant, le préfet des Alpes-Maritimes, à qui la demande de première instance et la requête d'appel ont été communiquées, s'est abstenu, tant devant le tribunal administratif que devant la Cour, de produire un mémoire en défense et ne conteste pas les allégations de Mme A... veuve D...quant à la durée de sa résidence habituelle en France depuis au moins dix ans à la date de l'arrêté du 25 janvier 2017 ; qu'ainsi, l'intéressée doit être regardée comme remplissant la condition énoncée à l'article L. 313-14 du code précité pour que sa demande soit soumise à l'avis de la commission du titre de séjour ; que, par suite, elle est fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été pris au terme d'une procédure irrégulière ; que ce vice de procédure ayant eu pour effet de priver l'intéressée d'une garantie, il est de nature à entacher la décision en litige d'illégalité ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... veuve D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit procédé au réexamen de la situation de Mme A... veuve D...; qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande tendant à la délivrance du titre de séjour sollicité par l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
8. Considérant que Mme A... veuve D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Traversini avocat de Mme A... veuve D...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Traversini ;
D É C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 15 juin 2017 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 25 janvier 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme A... veuve D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Traversini la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...veuveD..., au ministre de l'intérieur et à Me Traversini.
Copie en sera adressé au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
N° 17MA02683 2
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