Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 février 2017, 17 mai 2018 et 4 mars 2019 sous le n° 17MA00701, Mme C..., représentée par Me B... demande à la Cour :
1°) de désigner avant dire droit un expert en hydrologie et géomorphologie ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 décembre 2016 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2014 en tant qu'il classe les parcelles lui appartenant en zone d'aléa fort et la décision de rejet de son recours gracieux du 26 mai 2014 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande d'expertise est utile au regard de la complexité technique de l'affaire ;
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en écartant ses expertises ;
- il a estimé à tort que la marge d'erreur des cotes altimétriques était sans incidence sur l'appréciation du risque d'inondation dès lors que cette marge d'erreur était conforme à celle fixée dans l'appel d'offre ;
- le classement des parcelles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il n'y pas de cohérence entre l'altimétrie naturelle des lieux et les choix de zonage ;
- la méthode de référence à une crue d'occurrence centennale n'est pas pertinente en l'absence d'inondation de ses parcelles ;
- les ouvrages de protection doivent être pris en compte selon la circulaire ministérielle du 27 juillet 2011.
La commune d'Aubord a présenté des observations, enregistrées le 26 avril 2017 et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Un courrier du 21 janvier 2019 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 26 avril 2019.
Un mémoire présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire a été enregistré le 29 avril 2019, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me B... représentant Mme C....
Une note en délibéré présentée pour Mme C... a été enregistrée le 21 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... relève appel du jugement du 20 décembre 2016 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2014 par lequel le préfet du Gard a approuvé le plan de prévention du risque inondation de la commune d'Aubord en tant qu'il classe ses deux parcelles cadastrées AA 220 et AA 225 en zone d'aléa fort et la décision de rejet de son recours gracieux du 26 mai 2014.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations constituent des documents qui, élaborés à l'initiative de l'Etat, ont pour objet de définir, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, des contraintes d'urbanisme importantes.
4. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du schéma d'aménagement hydraulique et de protection des zones habitées contre les inondations de la commune d'Aubord réalisé par le bureau BRL Ingénieurie que le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) contesté du bassin du Vistre a été élaboré à partir du recueil et de l'analyse des données bibliographiques existantes dont les cartes et plans disponibles des communes, des documents émis par l'Etat tels que le plan d'action de prévention des inondations (PAPI) du Vistre du 25 janvier 2007 et le PPRI moyen Vistre approuvé le 31 octobre 1994, des informations topographiques dont des levés effectués dans le cadre des études hydrauliques antérieures, des informations historiques concernant les inondations de la commune et notamment la crue de septembre 2005 et des études hydrauliques existantes, ainsi que des visites détaillées de terrain. Il est également fondé sur une analyse hydrogéomorphologique du bassin versant. Par ailleurs, des investigations topographiques complémentaires ont été réalisées en 2010 notamment sur le Petit et Grand Campagnolle. Pour contester la méthode d'élaboration de ce plan, Mme C... se prévaut d'un rapport hydraulique établi le 28 janvier 2015 par un expert près la Cour d'appel de Nîmes, de relevés altimétriques réalisés par un géomètre expert et d'un rapport du 17 juin 2016 du bureau d'étude Aquabane, qui synthétise l'ensemble des données sur la zone des parcelles en cause. Toutefois, ces études réalisées à une échelle purement locale des parcelles de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause valablement la méthodologie précitée qui permet d'intégrer la complexité et les interactions du fonctionnement hydraulique de l'ensemble du territoire du Vistre et de ses affluents. Ainsi, le tribunal a écarté, à bon droit, les expertises de la requérante.
5. Si la requérante soutient que le relevé topographique effectué manuellement sur ses parcelles serait nécessairement plus précis qu'un relevé global effectué sur 1 182 points sur le territoire de dix-neuf communes, il ressort des pièces du dossier de première instance que l'élaboration du modèle hydraulique sur lequel s'est fondé le zonage d'aléa du PPRI en cause s'est appuyée en particulier sur un système de relevé topographique aéroporté par balayage laser dit " Lidar " ainsi que sur des relevés terrestres effectués par un géomètre, une telle méthode permettant une connaissance suffisamment précise de la topographie des terrains en raison d'une forte densité des points mesurés tous les 50 centimètres, approchant une précision de moins de 5 centimètres des valeurs du levé terrestre. Dans ces conditions, et en particulier compte tenu de la marge d'incertitude qui s'attache nécessairement aux prévisions quant aux inondations, Mme C... ne démontre pas que cette méthode serait inadaptée et conduirait à une surévaluation du risque d'inondation de ses parcelles.
6. La requérante n'est pas fondée à soutenir que la crue de 2005 aurait un caractère centennal dès lors que d'après une étude du centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Méditerranée du 20 décembre 2013, versée au débat par le préfet du Gard, les périodes de retour de ces pluies sont comprises entre 5 et 40 ans, à l'exception du poste de Bernis pour lequel cette période avoisine les 90 ans. En outre, elle ne remet pas en cause la pertinence de la méthode de recours à la modélisation de la crue centennale de référence retenue par le PPRI contesté en se prévalant de témoignages oraux attestant de l'absence de submersion de 50 centimètres justifiant un classement en grand aléa ou des dires de son assureur mentionnant l'absence de déclaration de catastrophe naturelle.
7. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées AA 220 et AA 225 de Mme C... situées entre le chemin des Mas et le ruisseau du Campagnol de la commune d'Aubord ont été classées respectivement en zone d'aléa fort et modéré. Par ailleurs, selon un extrait de l'étude du bureau BRL Ingénieurie relative au schéma d'aménagement hydraulique et de protection des zones habitées contre les inondations des commune d'Aubord et de Générac réalisée en décembre 2011, en cas de crue quarantennale ou crue de septembre 2005, le débit total amont du Campagnolle est de 78 m3/s et les débordements en rive gauche vers le chemin des Mas atteignent 28 m3/s. Le même phénomène s'amplifie en cas de crue centennale qui est la référence du PPRI en litige avec un débordement du Campagnolle en rive gauche de 51 m3/s. Cette étude précise que si les hauteurs de submersion ne dépassent que très localement 0,5 mètres en crue décennale, en crue centennale, environ la moitié de la zone inondée est concernée par des hauteurs supérieures à 0,5 mètres et quelques zones par plus d'un mètre d'eau. Les vitesses d'écoulement sont importantes, de l'ordre d'un à deux mètre par seconde, le long des principaux axes d'écoulement notamment le chemin des Mas. Cette étude en conclut que les crues du Campagnolle étant considérées comme semi rapides, l'aléa est qualifié de fort pour des hauteurs d'eau supérieures à 0,5 m et modéré pour des hauteurs inférieures. Mme C... ne remet pas en cause cette analyse et ne démontre pas l'incohérence entre l'altimétrie naturelle et les choix du zonage en se prévalant de ce que, selon ses expertises et sa connaissance des lieux depuis presque 70 ans, des parcelles localisées plus en aval dans le village, donc plus exposées et inondées ou situées à une cote altimétrique plus basse seraient classées en zone d'aléa modéré. La circonstance que la zone de grand aléa serait limitée à la ligne Sud-Nord qui longe le lotissement situé à l'ouest de la parcelle est sans incidence. Si les ouvrages, fossés et chemins sont régulièrement entretenus par les agriculteurs, cette mesure, malgré son apport indéniable en termes de prévention, est insuffisante pour écarter tout risque d'inondation portant atteinte à la sécurité des personnes et des biens et n'est ainsi pas de nature à démontrer que le classement contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Le plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Aubord n'avait pas à prendre en compte les ouvrages aménagés dans le cadre du projet de ligne à grande vitesse du contournement Nîmes-Montpellier postérieurement à son approbation. Mme C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire ministérielle du 27 juillet 2011 relative à la prise en compte du risque de submersion dans les plans de prévention des risques naturels littoraux qui sont dépourvues de caractère réglementaire. En tout état de cause, les ouvrages liés à la ligne à grande vitesse sont sans incidence en cas de crue centennale de référence du PPRI comme le démontrent les dossiers de police de l'eau et des milieux aquatiques des ouvrages liés à ce projet.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 avril 2014 en tant qu'il classe ses deux parcelles cadastrées AA 220 et AA 225 en zone d'aléa fort et de la décision de rejet de son recours gracieux du 26 mai 2014.
Sur les conclusions à fin d'expertise :
10. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".
11. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée par Mme C..., qui ne présente pas d'utilité pour la solution du litige. Par suite, les conclusions de Mme C... tendant à la désignation d'un expert doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la commune d'Aubord, qui, dans la présente instance, a la qualité d'observateur et non celle de partie au litige au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aubord présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera également adressée à la commune d'Aubord.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juin 2019.
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N° 17MA00701
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