Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2017, sous le n° 17MA04813, Mme B..., représentée par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il a été pris en méconnaissance des articles 5 et 7 de l'arrêté du 22 août 2014 ;
- elle a été injustement privée de la durée de stage d'une année ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il est en réalité fondé sur une faute et non sur une insuffisance professionnelle ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de procédure ;
- elle a été privée des garanties procédurales prévues par les articles 19 et 30 de la loi du 13 juillet 1983 et 66 et 67 de la loi du 11 janvier 1984.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il soutient que :
- les demandes de Mme B... sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 18 octobre 2017 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2016 par lequel le recteur de l'académie de Nice a prononcé son licenciement de ses fonctions de professeur des écoles stagiaires.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 10 du décret du 1er août 1990 relatif au statut particulier des professeurs des écoles : " Les professeurs stagiaires accomplissent un stage d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation organisée, dans le cadre des orientations définies par l'Etat, par un établissement d'enseignement supérieur, visant l'acquisition des compétences nécessaires à l'exercice du métier. (...)/ Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées conjointement par le ministre chargé de l'éducation et par le ministre chargé de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 : " Le fonctionnaire stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l'article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l'aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury. (...) ". Selon l'article 8 de l'arrêté du 22 août 2014 : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés. En outre, l'avis défavorable à la titularisation concernant un stagiaire qui effectue une première année de stage doit être complété par un avis sur l'intérêt, au regard de l'aptitude professionnelle, d'autoriser le stagiaire à effectuer une seconde et dernière année de stage. ". Aux termes de l'article 9 du même arrêté : " Le recteur prononce la titularisation des stagiaires estimés aptes par le jury. (...) / Il arrête la liste des stagiaires autorisés à accomplir une seconde année de stage et la liste des professeurs stagiaires licenciés ou réintégrés dans leur corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine. "
3. L'arrêté de licenciement contesté vise les textes applicables et mentionne que Mme B...A..., née le 19 août 1979 ne figure pas sur la liste définitive des professeurs des écoles stagiaires que le jury établit pour la délivrance du certificat d'aptitude au professorat de professeur des écoles. Il mentionne en outre qu'au cours du stage, Mme B... n'a pas fait suffisamment preuve des aptitudes nécessaires à l'exercice du métier et une seconde année de stage ne serait pas de nature à lui permettre de corriger les insuffisances constatées. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.
4. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : / I. - Pour les professeurs des écoles stagiaires qui effectuent leur stage dans les écoles et établissements visés à l'article 2 du décret du 1er août 1990 susvisé : / 1° L'avis de l'inspecteur de l'éducation nationale désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter d'une inspection; / 2° L'avis de l'autorité en charge de la formation du stagiaire. (...) ". L'article 7 du même arrêté dispose que : " Le professeur stagiaire a accès, à sa demande, à la grille d'évaluation, aux avis et rapports mentionnés à l'article 5. ".
5. Il ressort de la délibération du 8 avril 2016 que le jury académique s'est prononcé après avoir pris connaissance de l'avis de l'inspecteur de l'éducation nationale désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle, ainsi que de l'avis du directeur de l'école supérieure de professorat et de l'éducation responsable de la formation du stagiaire. Si Mme B... soutient que le rapport des inspecteurs des circonscriptions d'Antibes et de Valbonne du 16 mars 2016 n'est absolument pas un rapport pédagogique an sens de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2016 mais une note relative à des plaintes de parents d'élèves à son encontre, aucun rapport du 16 mars 2016 n'est versé au débat. En revanche, le recteur de l'académie de Nice a produit en première instance, deux rapports des 17 et 25 mars 2016 de l'inspecteur de l'éducation nationale qui portent respectivement sur les plaintes des parents d'élèves à l'encontre de Mme B..., l'incident du 14 mars qui l'a conduit a donné une gifle à un élève et faisant le point sur la situation et le suivi de la requérante. En outre, le rapport du 25 janvier 2016 qui est un compte rendu de la commission d'entretien à mi-parcours, composée notamment de l'inspecteur de l'éducation national et des deux tuteurs de Mme B..., comporte un bilan sur son aptitude professionnelle. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait demandé à avoir accès à la grille d'évaluation, aux avis et rapports.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été nommée en qualité de professeur des écoles stagiaire à compter du 1er septembre 2015 et affectée à l'école élémentaire des Campous de Valbonne de septembre 2015 à février 2016, puis à l'école maternelle de la Tournière d'Antibes à partir de mars 2016. Par l'arrêté contesté du 4 mai 2016, le recteur de l'académie de Nice a prononcé son licenciement. Cette décision, qui met fin au stage avant son terme constitue un licenciement en cours de stage que le recteur pouvait légalement décider en application des dispositions de l'article 7 du décret du 7 octobre 1994 mentionnées au point 2. Ainsi, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été injustement privée de la durée de stage d'une année.
7. Par la délibération du 8 avril 2016, le jury académique a estimé que Mme B... ne se situait pas dans une posture d'enseignante malgré la proposition d'accompagnement renforcé au point de mettre en danger la sécurité des élèves et a constaté son manque de lucidité sur les positionnements mis en jeu ainsi que sur les stratégies à mettre en oeuvre. Cet avis n'est ainsi pas fondé sur la seule faute professionnelle de la requérante mais sur son aptitude insuffisante à exercer les fonctions de professeurs des écoles laquelle est corroborée par le bilan de l'entretien à mi-parcours réalisé le 25 juin 2016 selon lequel Mme B... connaît des difficultés au niveau de la gestion de sa classe, de la mise en place des conditions nécessaires aux apprentissages, tel que l'emploi d'un vocabulaire adapté lors des consignes ou le respect de ces dernières sans en déroger ou encore un rythme pertinent de séances et un respect des exigences pour chaque discipline. La circonstance que Mme B... ait été mise à pied à titre conservatoire par une décision du 18 mars 2016 suite à l'incident survenu le 15 mars 2016 n'est pas de nature à conférer un caractère disciplinaire à la délibération en litige. Si un des motifs de la délibération du jury concernant la mise en danger de la sécurité des élèves évoque un fait susceptible d'être constitutif d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, cette délibération se fonde sur un ensemble d'autres éléments précités qui sont suffisants pour établir l'existence d'une insuffisance professionnelle. Il s'en suit que les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur manifeste d'appréciation et du détournement de procédure doivent être écartés.
8. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe (...) ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ". Aux termes de l'article 30 de la même loi : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. (...) ". L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) / Quatrième groupe : (...) / la révocation. ". Selon l'article 67 de la loi précitée : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. (...) ".
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7 et en l'absence de sanction disciplinaire, Mme B... ne peut utilement invoquer les moyens tirés de la violation des garanties procédurales prévues par les articles 19 et 30 de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que des articles 66 et 67 de la loi du 11 janvier 1984.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2016.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Nice.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Bruno Coutier, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juin 2019.
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N° 17MA04813
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