Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, sous le n° 18MA00740, M. E..., représenté par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions des 2 et 21 décembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la société CarPostal Bassin de Thau la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure du contradictoire n'a pas été respectée ;
- le délai prévu par l'article R. 2421-4 du code du travail n'a pas été respecté ;
- l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation en estimant que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2018, la société CarPostal Bassin de Thau, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête de M. E... et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. A...,
- et les observations de Me B... représentant la société CarPostal Bassin de Thau.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., conseillé du salarié, a été recruté le 1er janvier 1982 pour exercer des fonctions de mécanicien chauffeur au sein de la société CFT. Le médecin du travail a conclu à son inaptitude par un avis du 22 décembre 2011 confirmé par un autre avis le 21 décembre 2015. A compter du 1er septembre 2015, son contrat de travail et ceux des autres salariés ont été transférés à la société CarPostal Bassin de Thau. Saisi par cette société, d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de M. E..., l'inspecteur du travail a, par décision du 2 décembre 2016, accordé cette autorisation. Il a également par décision du 21 décembre 2016 rejeté son recours gracieux du 8 décembre 2016. M. E... relève appel du jugement du 26 décembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 2 et 21 décembre 2016.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail dans sa version en vigueur à la date des décisions contestées : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail prend sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement. Il n'est prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur informe les destinataires mentionnés à l'article R. 2421-5 de la prolongation du délai. ".
3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail implique, en cas de licenciement d'un salarié protégé pour inaptitude, que ce dernier soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, ainsi que de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir au cours de l'enquête, dans des conditions et des délais lui permettant de les discuter utilement, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation.
4. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de la décision du 2 décembre 2016 que M. E... a été informé, le 6 octobre 2016 de l'organisation d'une enquête contradictoire qui s'est tenue le 19 octobre 2016 au cours de laquelle les parties étaient présentes et assistées. Lors de cette enquête, la demande d'autorisation de licenciement et l'ensemble de ses pièces jointes ont été remises à M. E... qui a bénéficié d'un délai suffisant de près d'un mois et demi, du 19 octobre au 2 décembre 2016 pour présenter ses observations. Après cette enquête, l'inspecteur du travail a demandé, par courrier du 24 octobre 2016, à la société CarPostal Bassin de Thau des informations complémentaires portant sur le périmètre des recherches de reclassement et la fonction de contrôleur. Cette dernière a répondu par deux lettres des 18 et 28 novembre 2016, avec copies adressées au requérant dont il a accusé réception pour la première le 24 novembre 2016, l'accusé de réception de la seconde n'était pas produit au dossier mais dont le requérant indique qu'il l'a reçue le 30 novembre 2016. Par le courrier du 18 novembre 2016, la société CarPostal Bassin de Thau a donné à l'inspecteur du travail des informations sur le périmètre des recherches de reclassement de M. E.... Puis par lettre du 28 novembre 2016, elle a transmis deux arrêts de la Cour de cassation relatifs au périmètre de recherches de reclassement d'un employeur dans le cadre d'une inaptitude. Si les informations communiquées dans la première lettre du 18 novembre 2016 comportaient des éléments déterminants relatifs au reclassement de M. F..., ce dernier les a reçues le 24 novembre 2016 et avait ainsi un délai suffisant de huit jours pour lui permettre de formuler ses observations. En revanche, la circonstance que les éléments jurisprudentiels contenu dans le courrier du 28 novembre 2016 qui ne présentaient pas de caractère déterminant n'aient été communiquées à M. E... que le 30 novembre 2016 par l'inspecteur du travail alors que la décision contestée est intervenue le 2 décembre suivant n'est pas de nature à faire regarder la procédure contradictoire comme insuffisante. Dans ces conditions, M. E... a été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ainsi que des éléments déterminants recueillis au cours de l'enquête avant que l'inspecteur du travail ne statue sur celle-ci, et ainsi de présenter utilement ses observations.
5. Les circonstances que l'inspecteur du travail ait pris sa décision au-delà du délai de quinze jours prévu par l'article R. 2421-4 du code du travail et qu'il n'ait pas justifié de la prolongation de ce délai, ne sont pas de nature à entacher les décisions contestées d'irrégularité dès lors que ces formalités ne sont pas prescrites à peine de nullité.
6. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version en vigueur à la date des décisions contestées : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. (...) / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ".
7. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a été déclaré inapte définitivement à son poste par un avis du 22 décembre 2011 du médecin du travail lequel a déclaré qu'il n'avait pas de proposition d'aménagement de poste ou de reclassement. Cette inaptitude définitive a été confirmée dans les mêmes termes par un second avis du 5 janvier 2016 du médecin du travail. Par courrier du 26 janvier 2016, ce dernier a répondu à la société CarPostal que les postes de conducteurs ne conviendraient pas puisqu'il a déclaré M. E... inapte au poste de conducteur de bus et qu'il n'avait pas de contre-indication a priori sur les postes d'assistant administratif ou de contrôleur. Par lettre du 14 janvier 2016, la société CarPostal a adressé à M. E... une fiche de renseignement afin de connaître ses domaines de compétence et a écrit à l'ensemble des sociétés du groupe afin que ces dernières lui fassent part de tous les postes disponibles au sein de leur entreprise. Elle a ainsi procédé à des recherches de reclassement au sein de CarPostal Bassin de Thau, et de l'ensemble de ses filiales, soit dix-sept établissements au total. Au final, l'employeur a proposé cinq offres de reclassement à M. E... dont un poste administratif ne comportant aucune conduite au sein de l'entreprise Grindler située dans l'Isère et quatre autres postes dont deux en contrat à durée indéterminée de contrôleur avec ou sans conduite de bus accessoire et deux postes en contrat à durée déterminée de mécanicien et d'agent d'information et de vente que M. E... a refusé en raison de ses contraintes familiales, de leur précarité ou de leur niveau de rémunération. Si l'appelant soutient que la société CarPostal Bassin de Thau ne lui a pas proposé un poste de mécanicien alors qu'un poste était disponible à l'atelier de mécanique, il ressort des pièces du dossier qu'aucun poste pérenne de ce type n'a été créé et qu'un salarié a été affecté temporairement à l'atelier de mécanique en vue de remplacer les mécaniciens pendant leurs congés payés. Comme déjà dit, un poste aménagé de contrôleur sans conduite et approuvé par le médecin du travail a été proposé le 20 juillet 2016 à M. E.... Si le requérant l'a refusé au motif qu'il entraînait la perte d'avantages acquis, il s'agissait d'un poste en contrat à durée indéterminée d'agent de maîtrise donc une promotion pour lui dont le salaire était supérieur à son salaire de conducteur. Par ailleurs, la société CarPostal Bassin de Thau fait valoir sans être contestée que M. E... aurait bénéficié du maintien de ses avantages individuels de pallier et de plan de carrière qui bénéficient aussi aux contrôleurs de l'entreprise. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la société CarPostal Bassin de Thau n'a pas procédé à des recherches loyales et sérieuses en vue de son reclassement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 2 et 21 décembre 2016.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société CarPostal Bassin de Thau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société CarPostal Bassin de Thauet non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera à la société CarPostal Bassin de Thau une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à la société CarPostal Bassin de Thau et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juin 2019.
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