Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2018, sous le n° 18MA01495, Mme D... épouse ME..., représentée par Me B... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 26 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- le préfet des Alpes-Maritimes s'est cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et s'est abstenu d'examiné sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse ME..., née le 31 août 1963, de nationalité sri lankaise, a sollicité l'asile le 27 novembre 2014. Sa demande a fait l'objet d'une décision de rejet du 31 mai 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 28 avril 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. La requérante relève appel du jugement du 26 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2017 du préfet des Alpes-Maritimes qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des articles R. 776-1 à R. 776-17 du code de justice administrative, que lorsqu'un étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions des 3°, 5° et 7° du I de l'article L. 511-1, il peut la contester, ainsi entre autres, que le refus de séjour notifié simultanément, devant le tribunal administratif qui, saisi dans les quinze jours de cette notification, statue dans les trois mois suivants dans une formation collégiale. Dans le cas où le préfet n'a accordé aucun délai de départ volontaire à l'étranger, le délai de recours dont dispose ce dernier est réduit à quarante-huit heures.
3. En cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence décidée sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque ces décisions sont notifiées en même temps que l'obligation de quitter le territoire, l'étranger doit également former sa contestation dans les quarante-huit heures suivant cette notification mais il revient alors au président du tribunal administratif ou au magistrat qu'il désigne, de statuer dans un délai de soixante-douze heures sur l'ensemble des décisions notifiées en même temps que l'obligation de quitter le territoire, s'il en est saisi, à l'exception toutefois, le cas échéant, de la décision relative au séjour sur laquelle il appartient à la seule formation collégiale de se prononcer dans les trois mois. Selon les dispositions combinées des III et IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et R. 776-29, R. 776-17 et R. 776-1 du code de justice administrative, ces dernières règles sont applicables à l'étranger qui est détenu au moment où lui est notifiée l'obligation de quitter le territoire qu'il entend contester.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse M E...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assorti d'un délai de départ volontaire de trente jours fondée sur le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui lui a été notifiée en même temps que le refus de séjour qui lui a été opposé. Il en résulte que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice n'était pas compétent pour statuer, comme il l'a fait par son jugement du 26 février 2018, sur les conclusions de Mme D... épouse M E...tendant à l'annulation du refus de séjour, qui relevaient de la seule formation collégiale du tribunal administratif de Nice. Ainsi, l'autre moyen d'irrégularité tiré du défaut de motivation devant être écarté comme manquant en fait, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la requérante tendant à l'annulation du refus de séjour.
5. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par Mme D... épouse M E...devant le tribunal administratif de Nice dirigées contre le refus de séjour qui lui a été opposé par le préfet des Alpes-Maritimes et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus de ses conclusions.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
6. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. La circonstance que la décision du 28 avril 2017 de la Cour nationale du droit d'asile n'aurait pas été notifiée à Mme D... épouse M E...est sans incidence sur la motivation de cette décision qui est suffisante.
7. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision contestée, que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme D... épouse M E...avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour.
8. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... épouse ME..., est entrée en France le 25 juin 2014 et ne justifie que d'une durée de séjour de près de trois ans et demi. En outre, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans et où résident son époux et ses deux filles. Dans ces conditions et alors même qu'elle serait titulaire d'un contrat à durée indéterminée pour exercer un emploi d'aide ménagère, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
11. Au regard de la situation professionnelle, personnelle et familiale de Mme D... épouse M E...telle qu'exposée au point 9 ci-dessus, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Alpes-Maritimes a pu rejeter sa demande de délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne le surplus des conclusions :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".
13. Par l'arrêté contesté, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme D... épouse M E...et a suffisamment motivé cette décision, ainsi qu'il a été dit au point 6. En vertu des dispositions précitées du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision.
14. Les moyens tirés du défaut d'examen de la situation de la requérante, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 7 et 9.
15. Mme D... épouse M E...ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision contestée des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elles ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.
16. Mme D... épouse M E...ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision contestée, laquelle n'a ni pour objet, ni pour effet, de fixer le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
18. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet des Alpes-Maritimes a estimé que cette décision ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni à celles de l'article 33 de la convention de Genève dans la mesure où l'analyse, au regard des dispositions de ces textes, des risques encourus en cas de retour de l'intéressée dans son pays d'origine n'a pas fait apparaître qu'ils seraient avérés. Ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes ne s'est pas cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sur la demande d'asile de Mme D... épouse ME..., et a procédé à un examen réel et complet de sa situation avant de fixer le pays de renvoi à destination duquel la mesure d'éloignement doit être exécutée.
19. Mme D... épouse M E...soutient qu'elle serait exposée à des risques en cas de retour au Sri Lanka dès lors qu'elle a présidé le mouvement de contestation de la monopolisation du commerce du riz par le gouvernement et soutenu par l'opposition. Elle allègue avoir fait l'objet d'atteintes à son intégrité physique lors de manifestations, de harcèlement, de menaces de mort et aurait vu sa maison saccagée. Toutefois, le caractère actuel et personnel de ces risques n'est pas démontré par la seule production de son récit devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, risques dont ils n'ont pas retenu l'existence par leur décision respective du 31 mai 2016 et du 28 avril 2017. Ainsi le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse M E...n'est pas fondée à demander l'annulation du refus de titre de séjour opposé par l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2017. Par ailleurs, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2017 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
21. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D... épouse M E...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme D... épouse M E...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Mme D... épouse M E...quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du le tribunal administratif de Nice du 26 février 2018 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de Mme D... épouse M E...dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour opposée par l'arrêté du 20 décembre 2017 du préfet des Alpes-Maritimes.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... épouse M E...devant le tribunal administratif de Nice tendant à l'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé le 20 décembre 2017 et le surplus de ses conclusions sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D...épouse M E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019, où siégeaient
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme A..., première conseillère,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 février 2019.
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N° 18MA01495
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