Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 mars 2016, le 22 juin 2017 et le 6 juillet 2017, l'Association CODEF, M. D... et M. E..., représentés par Me B... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401656 du tribunal administratif de Nîmes du 19 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Lozère du 15 mai 2013 ;
3°) de mettre à la charge de commune de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour agir et leur requête est donc recevable ;
- le signataire de l'acte est incompétent ;
- s'agissant d'une voie de circulation empruntée par le public, le barrage de la centrale hydroélectrique ne pouvait faire l'objet d'un arrêtant ordonnant, au titre de la police de l'eau, sa destruction sans déclassement préalable du domaine public routier, ni faire l'objet d'une aliénation ;
- en application des articles L. 621-27 et L. 621-31 du code du patrimoine, la démolition de l'ouvrage est soumise à autorisation préalable de l'avis de 1'architecte des Bâtiments de France ;
- la démolition prescrite par 1'arrêté litigieux entraînera la méconnaissance des usages existants sur le plan d'eau ;
- les risques de pollution du cours d'eau n'ont pas été pris en compte ;
- 1'article R. 214-82 III du code de 1'environnement relatif à la conservation des ouvrages d'intérêt général a été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2017, la ministre de l'environnement de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir à titre principal que la demande de première instance est irrecevable en tant qu'elle est présentée par M. D... et M. E... à défaut pour les intéressés de justifier d'un intérêt à agir contre l'arrêté en litige et qu'à titre subsidiaire aucun des moyens n'est fondé.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'absence d'intérêt à agir de l'association CODEF contre l'arrêté du 15 mai 2013 du préfet de la Lozère.
Par un mémoire, enregistré le 22 avril 2018, l'association CODEF, représentée par Me B..., soutient en réponse au moyen relevé d'office qu'elle justifie d'un intérêt à agir et que sa demande de première instance est recevable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 mai 2013, le préfet de la Lozère a refusé de renouveler l'autorisation d'exploiter la centrale hydroélectrique sollicitée par la commune de Sainte-Enimie (Lozère), a mis fin à l'autorisation préfectorale délivrée le 15 avril 1987 et a enjoint au permissionnaire de rétablir à ses frais le libre écoulement des eaux. L'Association CODEF, M. D... et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cet arrêté du 15 mai 2013 et, par jugement du 19 janvier 2016, leur demande a été rejetée. C'est de ce jugement dont ils relèvent appel.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Seule la commune de Sainte-Enimie s'est vue opposer par l'arrêté en litige un refus d'exploiter la centrale hydroélectrique et c'est seulement elle qui a été destinataire de l'injonction de rétablir le libre écoulement des eaux. Elle n'a toutefois pas entendu contester cet arrêté. Il résulte de l'instruction, d'une part, que les mesures qui s'imposent pour assurer ce libre écoulement doivent être définies dans une décision ultérieure en fonction de l'étude que la commune doit faire réaliser et, d'autre part, que ces mesures ne comporteront pas nécessairement la destruction du barrage, le recours à d'autres solutions techniques étant envisageables. Ainsi, le rétablissement du libre écoulement des eaux prescrit par l'arrêté n'implique pas, par lui-même, ni la disparition du barrage, ni celle la voie de circulation qu'il supporte, ni enfin celle du plan d'eau.
3. Pour demander l'annulation de cet arrêté, M. D... et M. E... se prévalent de leur qualité de résident de la commune et invoquent la disparition probable de la voie constituée par le barrage ainsi que le risque de rupture de l'alimentation de la station de pompage, le risque lié à la disparition du plan d'eau en termes de sécurité civile, ainsi que les risques de remise en état de sédiments pollués jusqu'ici retenus par le plan d'eau constitutifs de menaces pour l'usage équilibrée de la ressource en eau, intérêt visé à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Compte tenu de ce qui a été dit au point 2, ces éléments sont trop incertains pour permettre aux intéressés de justifier d'un intérêt de nature à leur permettre de saisir la juridiction administrative d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de l'arrêté contesté.
4. Par ailleurs, il n'est nullement établi que cet arrêté emporterait par lui-même une conséquence financière sur le budget communal et par suite sur le montant des cotisations d'impôt. En effet, si le rétablissement du libre écoulement des eaux aura nécessairement un coût pour la commune, aucun élément ne permet à ce jour d'en déterminer précisément le montant, l'arrêté préfectoral en litige n'imposant, comme il a été dit, aucune solution technique pour parvenir à ce résultat. Il résulte, en revanche, de l'instruction que la reprise de l'exploitation de l'usine hydroélectrique aurait un coût important pour la commune compte tenu du caractère déficitaire de cette exploitation et du montant des investissements nécessaires pour remettre les installations en service. Il s'en déduit nécessairement que, prises globalement, les mesures prescrites par l'arrêté du 15 mai 2013 sont susceptibles, à l'inverse de ce qui est soutenu, d'entraîner une diminution des charges communales. En conséquence, les requérants sont irrecevables, en tant que contribuable communaux à contester cet arrêté.
5. L'Association CODEF s'est donnée pour objet, selon l'article 2 de ses statuts, " la sauvegarde du plan d'eau et de l'usine hydroélectrique de Prades ". Toutefois, l'injonction adressée à la commune de rétablir à ses frais le libre écoulement des eaux n'emporte, par elle-même, comme il a été dit au point 2, aucune conséquence directe sur la situation et l'utilisation effective du plan d'eau. Quant au refus d'exploiter la centrale hydroélectrique, il ne fait nullement obstacle à ce que l'association requérante poursuive son action en vue de la sauvegarde de ce patrimoine industriel, alors même que les installations techniques ne seraient plus en service. Il s'ensuit que l'arrêté en litige ne porte aux intérêts collectifs que l'association requérante a pour objet de défendre, aucune atteinte de nature à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cet arrêté. Dès lors, ses conclusions de première instance ne sont pas recevables.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'Association CODEF, M. D... et M. E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par l'Association CODEF, M. D... et M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association CODEF, à M. C... D..., à M. A... E...et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mai 2018.
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N° 16MA01077