Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 avril 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2017 ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 mars 2017 et, à titre subsidiaire, d'annuler la décision fixant la Géorgie comme pays de renvoi et de lui accorder un délai de départ de trois mois ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " lui permettant de travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
- la décision contestée, qui était assortie d'une décision de maintien en rétention, lui a été notifiée au moment même où la mesure de rétention arrivait à son terme et constitue ainsi une atteinte à sa liberté individuelle ;
- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors que, faute de lui avoir été régulièrement notifiée, la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ne lui est pas opposable ;
- l'arrêté du 7 avril 2015 est illégal dès lors qu'il justifiait, à la date à laquelle il a été pris, d'un titre de séjour ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est de nationalité géorgienne. Il est entré en France le 29 mars 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen. Sa demande d'asile a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 juillet 2013. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre cette décision par décision du 7 avril 2015. Par arrêté du 7 avril 2015, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par l'intéressé et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. A la suite d'un contrôle d'identité effectué par les services de police, le préfet Alpes-Maritimes a pris à l'encontre de l'intéressé le 10 mars 2017 un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par jugement du 15 mars 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté le recours formé par M. A... contre cet arrêté. Il relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
2. Les conditions de notification d'une décision administrative sont sans influence sur sa légalité. Dès lors, est inopérant le moyen tenant au moment auquel la décision contestée a été notifiée à M. A....
3. Il ressort des énonciations de la décision contestée que, pour prononcer la mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet s'est fondé sur le fait que M. A... ne justifiait d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire français et qu'il n'avait jamais sollicité de titre de séjour, en faisant précisément mention des dispositions de l'article L. 511-1-II 3° a) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne s'est pas fondé sur la circonstance selon laquelle l'intéressé avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle il se serait soustrait. Ainsi, le moyen tiré de ce que le précédent arrêté du 7 avril 2015 portant obligation de quitter le territoire français ne lui aurait pas été régulièrement notifié est en tout état de cause inopérant au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté en litige du 10 mars 2017.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
5. M. A... ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Il n'établit pas, par les certificats médicaux qu'il produit, qu'il serait le seul à pouvoir assister son frère, qui souffre de schizophrénie, dans les gestes de la vie quotidienne ni que la survie de celui-ci dépendrait de sa présence à ses côtés. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son épouse, dont il n'est pas établi qu'il soit divorcé, ses deux enfants majeurs et sa mère, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Cette décision ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. M. A... indique qu'il a quitté la Géorgie au motif qu'il subissait des pressions du fait de ses opinions politiques et de ses activités professionnelles. Toutefois, le requérant n'établit aucunement dans la présente instance la réalité des risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans ce pays dont, au demeurant, ni l'Office français de protection des réfugiés, ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont reconnu l'existence. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 mai 2018.
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N° 17MA01535