2°) d'annuler les titres de recettes n° 61 et 62 émis le 2 février 2015 par la commune de Saint-Cyprien et l'opposition à tiers détenteur émise le 4 juin 2015 ;
3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 6 822,40 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas signé en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il méconnaît le principe du contradictoire ;
- les titres de recette contestés violent les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 en ce qu'ils ne mentionnent pas la qualité et la signature de l'auteur de l'acte ;
- ils ne comportent pas les bases de liquidation de la créance ;
- elle n'a ni la propriété ni la garde du bateau ayant donné lieu au frais de stationnement.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 3 mai 2017, 17 octobre 2017 et 11 mars 2019, la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales représentée par Me K... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 1er septembre 2017 et 28 février 2019, la commune de Saint-Cyprien, représentée par Me G... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L...,
- les conclusions de M. E...,
- et les observations de Me D... substituant Me I... représentant Mme A..., de Me B... substituant Me G... représentant la commune de Saint-Cyprien et de Me J... représentant la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 5 janvier 2017 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes n° 61 et 62 émis le 2 février 2015 par la commune de Saint-Cyprien et l'opposition à tiers détenteur émise le 4 juin 2015 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 6 822,40 euros.
Sur la régularité et le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les titres de recettes n° 61 et 62 du 2 février 2015 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 5114-1 du code des transports : " Tout acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété ou de tout autre droit réel sur un navire francisé est, à peine de nullité, constaté par écrit. / L'acte comporte les mentions propres à l'identification des parties intéressées et du navire. ". Aux termes de l'article R. 5114-6 du code précité : " Sans préjudice de l'article L. 5114-3, sont mentionnés sur la fiche matricule : (...) / 3° Les actes et contrats mentionnés à l'article L. 5114-1 et à l'article L. 5423-2 ; (...) ". L'article R. 5114-7 du même code dispose que : " Aucun des actes mentionnés aux 1° à 6° de l'article R. 5114-6, n'est opposable aux tiers avant son inscription sur la fiche matricule. ".
3. D'autre part, aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". L'article L. 2125-3 du code précité dispose que : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. "
4. Une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal.
5. Il résulte de l'instruction qu'en juin 2000, Mme A... a vendu à M. C... un navire de type vedette Arcoa 765 dénommé Aurélie III. Toutefois, par un arrêt du 26 mai 2009, la Cour d'appel de Montpellier a prononcé la résolution de cette vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. La commune de Saint-Cyprien a émis le 2 février 2015, deux titres exécutoires n° 61 et 62 d'un montant total de 6 822,40 euros à l'encontre de Mme A... en raison des frais de stationnement de ce navire dans la zone technique du port pour les années 2008 à 2010 et 2011 à 2013. Si la commune de Saint-Cyprien et la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales font valoir que suite à cet arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 26 mai 2009, lequel a un effet rétroactif, Mme A... devait être regardée comme la propriétaire du navire Aurélie III qui occupe un terre plain domanial, la requérante verse au débat l'acte de francisation de ce navire qui mentionne que M. C... en est toujours le propriétaire. Par suite, en l'absence de l'accomplissement des formalités de publicité de l'acte de mutation de propriété résultant de la résolution de la vente prononcée par la Cour d'appel de Montpellier dans les conditions et formes prévues par les dispositions précitées de l'article R. 5114-7 du code des transports, Mme A... ne peut être considérée à l'égard des tiers et donc de la commune de Saint-Cyprien comme étant la propriétaire du navire Aurélie III et ainsi redevable des frais de stationnement de ce dernier. En tout état de cause, elle ne peut davantage être regardée comme étant la gardienne du navire en l'absence d'élément au dossier permettant de considérer qu'elle en aurait repris possession. Mme A... est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que la commune de Saint-Cyprien était fondée à lui réclamer, en sa qualité de propriétaire du navire, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation les titres de recettes n° 61 et 62 émis le 2 février 2015 par la commune de Saint-Cyprien.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'opposition à tiers détenteur émise le 4 juin 2015 et celles tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante :
7. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. (...) / 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / L'action dont dispose le débiteur de la créance visée à l'alinéa précédent pour contester directement devant le juge de l'exécution mentionné aux articles L. 213-5 et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire la régularité formelle de l'acte de poursuite diligenté à son encontre se prescrit dans le délai de deux mois suivant la notification de l'acte contesté (...) ".
8. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa du 1° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales que les recours administratifs et contentieux formés contre le titre exécutoire émis pour assurer le recouvrement forcé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale en suspendent l'exigibilité. Il s'ensuit que l'intervention d'un tel recours frappe de caducité les actes de poursuite qui ont pu être, le cas échéant, préalablement délivrés.
9. Il résulte de l'instruction que, le 4 juin 2015, la trésorerie d'Elne a délivré à la Banque Populaire du Sud une opposition à tiers détenteur pour assurer le recouvrement des frais de stationnement du navire Aurélie III mis à la charge de Mme A.... Toutefois, le recours contentieux que l'intéressée a formé, le 30 juillet 2015, contre les titres de recettes émis le 2 février 2015 a suspendu l'exigibilité de la créance qui lui était réclamée. Dès lors, ses conclusions dirigées contre l'opposition à tiers détenteur étaient sans objet à la date d'introduction du recours contentieux qu'elle a formé contre cet acte, le 30 juillet 2015. Le jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a statué sur ces conclusions. Il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que la commune de Saint-Cyprien et l'Etat (direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales) demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 5 janvier 2017 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les titres de recettes n° 61 et 62 émis le 2 février 2015 par la commune de Saint-Cyprien sont annulés.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise le 4 juin 2015 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 6 822,40 euros.
Article 4 : La commune de Saint-Cyprien versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : les conclusions présentées par la commune de Saint-Cyprien et l'Etat (direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales) au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...A..., à la commune de Saint-Cyprien et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques des Pyrénées-Orientales
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme F..., première conseillère,
- Mme L..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 juillet 2019.
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N° 17MA00876
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