Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté 7 décembre 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour prévu à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente, dans le délai de cinq jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente, dans le délai de cinq jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée en ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
- le préfet n'a pas examiné les considérations humanitaires et les motifs exceptionnels dont il a fait état et qui étaient susceptibles de justifier la délivrance d'un titre " vie privée et familiale " ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée au regard de l'avis rendu par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- la décision querellée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur de fait ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal du 23 septembre 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité sénégalaise, relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants sénégalais : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
3. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Il ressort des énonciations de la décision querellée que, après avoir fait mention des conditions dans lesquelles M. A... est entré en France ainsi que du fait que celui-ci a déjà fait l'objet en 2015 d'une mesure d'éloignement et après avoir décrit la situation professionnelle de l'intéressé, le préfet des Bouches-du-Rhône a indiqué qu'" après examen de l'ensemble de sa situation ", M. A... " ne fait valoir aucun motif exceptionnel ni considérations humanitaires justifiant son admission au séjour au sens des dispositions de l'article L. 313-14 ". Il ressort en outre des termes de cette décision que le préfet a expressément examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, l'autorité préfectorale a effectivement vérifié si la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. A... répondait à des considérations humanitaires ou se justifiait au regard de motifs exceptionnels. Le préfet n'avait pas à détailler l'ensemble des éléments d'appréciation dont il disposait pour effectuer cette vérification.
5. En mentionnant, dans la décision contestée, en sus des éléments exposés au point précédent, le motif retenu par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pour rendre le 4 novembre 2016 un avis défavorable sur la situation de M. A..., soit le fait que celui-ci ne justifiait que d'une rémunération inférieure au salaire minimum interprofessionnelle de croissance mensuel, le préfet a suffisamment motivé son refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée au regard de cet avis défavorable.
6. Si M. A... justifie certes d'une présence habituelle en France depuis le mois de décembre 2012, qu'il établit avoir travaillé en tant que plongeur du mois d'avril 2014 au mois de septembre 2014 et être titulaire depuis le mois de mars 2015 d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de commis de cuisine, ni ces circonstances, ni aucun des faits évoqués par l'intéressé ne relèvent de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels qu'ils puissent révéler que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. La circonstance selon laquelle la décision contestée aurait pour effet de priver le requérant de son emploi, le fait que son employeur estime sa présence indispensable et la perspective d'une rupture des liens qu'il a noués en France ne permettent pas, en l'espèce, de faire regarder cette décision comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Le présent arrêt rejette les conclusions présentées par M. A... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, du défaut de fondement légal de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges et qui n'appellent aucune précision.
11. La circonstance selon laquelle la décision contestée aurait pour effet de priver M. A... de son emploi n'est pas de nature, en l'espèce, à la faire regarder comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ".
13. Le fait que M. A... réside en France depuis quatre ans et qu'il exerce une activité professionnelle depuis vingt mois ne peut être regardé comme constituant une circonstance exceptionnelle justifiant qu'un délai supplémentaire à celui prévu à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui soit accordé. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet n'a pas octroyé tel délai supplémentaire à l'intéressé.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 octobre 2018.
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N° 17MA02893
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