Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 15 septembre 2017, 22 février et 9 mars 2018, sous le n° 17MA03923, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 août 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et de réexaminer sa demande d'asile, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil s'engageant en ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
.Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me B..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 14 octobre 1998, de nationalité afghane, est selon ses déclarations entré irrégulièrement en France le 18 janvier 2017. Le 22 février 2017, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Après avoir constaté que les empreintes de l'intéressé avaient déjà été relevées par les autorités suédoises et suisses, le préfet des Bouches-du-Rhône a sollicité sa prise en charge par ces autorités le 10 mars 2017. Par décision du même jour, les autorités suédoises ont accepté de prendre en charge la demande d'asile de l'intéressé en application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le 4 août 2017, le préfet de des Bouches-du-Rhône a pris à son encontre un arrêté portant remise aux autorités suédoises et l'assignant à résidence. M. A... a présenté une demande tendant à l'annulation de cet arrêté qui a été rejeté par un jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 7 août 2017 dont il relève appel.
Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par décision du 30 octobre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par le requérant, et a admis celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente instance d'appel. Dès lors, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. M. A... ne peut reprocher au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille de ne pas avoir fait application de la clause dite humanitaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a pas invoqué ces moyens devant le premier juge. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : "Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...)". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
5. Si M. A... soutient que ses parents et ses frères et soeurs résident en France où ils ont obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, les documents qu'il produit constitués par la copie de leurs passeports et des attestations de ces derniers selon lesquels il vivrait à leur côté à Nice ne sont pas de nature à établir la réalité d'un lien de filiation avec eux. Par ailleurs, s'il verse au débat un certificat du 8 mars 2018 de l'association ATE attestant héberger M. et Mme A... accompagnés de leurs enfants nommément cités, celui-ci ne mentionne pas le nom du requérant. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas user de la faculté d'examen de la demande de protection que lui offre l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... célibataire et sans enfant ne démontre pas l'existence d'un lien de parenté entre lui et les personnes résidant sur le territoire national qu'il présente comme son père, sa mère et ses frères et soeurs. Il a d'ailleurs déposé une demande d'asile à Marseille le 22 février 2017 alors que les personnes qu'il déclare être de sa famille sont domiciliées à Nice depuis le 8 février 2017. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu'il est entré irrégulièrement en France le 18 janvier 2017, soit de manière très récente à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 4 août 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. A... aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. A... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
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N° 17MA03923
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