Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 novembre 2017 sous le n° 17MA04501, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 septembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 7 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, d'abroger l'arrêté d'expulsion du 22 octobre 1982 et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et dans l'attende de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation quant à la persistance d'une menace à l'ordre public ;
- la décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., né en 1956, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2016 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 22 octobre 1982.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour prendre la décision contestée, le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir visé les dispositions des articles L. 524-1 et L. 524-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a notamment relevé que M. A... B...était détenu au centre pénitentiaire de Perpignan pour purger une peine d'un an de prison pour infraction à la législation sur les stupéfiants et vente frauduleuse de tabac. Le préfet en a déduit que la présence en France du requérant constituait toujours une menace à l'ordre public. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé la persistance d'une telle menace, sans qu'il soit nécessaire pour lui de rappeler les précédentes condamnations et peines d'emprisonnement, ainsi que la gravité des faits à l'origine de celles-ci, à l'origine de l'arrêté d'expulsion du 22 octobre 1982. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". En application de l'article L. 524-1 du même code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter ". Aux termes de l'article L. 524-2 du code précité : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté (...)/ A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public étaient de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B...a commis des faits de proxénétisme aggravé et vol à l'aide d'une effraction ayant donné lieu à une première condamnation en 1981, puis de proxénétisme aggravé puni de quatre ans d'emprisonnement en 1984, de violences volontaires pour lesquelles il a été condamné à dix mois d'emprisonnement en 1986. Il s'est ensuite rendu coupable de faits de recel et usage de fausse plaque, de prise du nom d'un tiers, pour soustraction à expulsion, obtention, recel et usage de documents administratifs qui ont fait l'objet de nouvelles condamnations en 1991 puis en 1992. M. A... B...a de nouveau commis des faits de vol en réunion ayant entraîné une condamnation à deux ans de prison en 2009. Il lui est enfin reproché des faits de trafic de stupéfiants et de vente illégale de tabac pour lesquels il a été condamné en février 2016, soit récemment à la date de la décision en litige, à un an d'emprisonnement. M. A... B..., au cours de l'ensemble de cette période, n'a justifié d'aucun effort d'insertion sociale et professionnelle et a commis des faits pour lesquels il a été condamné par l'autorité judiciaire de manière réitérée, y compris après le prononcé de l'arrêté d'expulsion du 22 octobre 1982 dont il demande l'abrogation. Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits commis, à leur réitération et à la circonstance que les derniers faits délictueux ont été commis en février 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement estimer que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave et persistante pour l'ordre public, de nature à justifier le maintien des effets de la mesure d'expulsion qui avait été prise à son endroit.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B...est père de trois enfants, dont une fille de nationalité française mineure née en 2001 pour laquelle le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Perpignan a, par jugement du 16 juin 2011, fixé la résidence habituelle à son domicile et qui lui rend régulièrement visite au centre pénitentiaire de Perpignan depuis son incarcération en février 2016. Toutefois, le requérant ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de sa fille ou que celle-ci serait isolée et dépendante de son père pour pourvoir à ses besoins fondamentaux. La circonstance qu'une telle contribution n'a pas été mise à sa charge par le juge aux affaires familiales est sans incidence. M. A... B...ne justifie pas d'une intégration sur le territoire français par la production d'attestations de compétences linguistiques et de formation civique et de deux promesses d'embauche établies le 1er octobre 2012 et au mois de juillet 2017, postérieurement à la décision contestée pour cette dernière. Ainsi, eu égard à la gravité des faits mentionnés au point 4 commis par M. A... B...dont les derniers ont été commis à une date récente, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion, n'a pas porté au droit de M. A... B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... B...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. A... B...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
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N° 17MA04501
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