Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2017, Mme B... épouseD..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 19 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont, à tort, écarté le moyen soulevé devant eux, tiré de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- ils ont ajouté un critère non prévu par le législateur, pour apprécier l'atteinte portée par le préfet, à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du 20 novembre 2017, Mme B... épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B... épouseD..., ressortissante mongole née le 2 mai 1976, a présenté une demande de titre de séjour, reçue en préfecture le 25 octobre 2016, en se prévalant de sa vie privée et familiale ; que par l'arrêté contesté du 19 janvier 2017, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; qu'elle relève appel du jugement du 2 octobre 2017, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 19 janvier 2017 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'eu égard à l'office du juge d'appel qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis des erreurs d'appréciation dans les réponses qu'il a apportées aux moyens de la requérante est inopérant ;
Sur la légalité de l'arrêté du 19 janvier 2017 du préfet de l'Hérault :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du préfet de l'Hérault, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 313-11 et le 3° du I de l'article L. 511-1, comporte les considérations de droit qui en constituent le fondement ; qu'il comporte également les considérations de fait sur lesquelles il se fonde, par le rappel de l'identité précise de la requérante, de ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français, de sa situation familiale et de la situation administrative du couple qu'elle forme avec son mari de même nationalité, notamment par les mentions des rejets de leurs demandes d'asile respectives, par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 24 mai 2012 dont les contestations ont été rejetées par des arrêts de la Cour nationale du droit d'asile du 4 septembre 2013, et les mentions des précédentes mesures d'éloignement dont a fait objet son époux ; que la décision portant refus de titre de séjour est ainsi suffisamment motivée ; que par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire objet d'une motivation distincte, doit être regardée comme étant également suffisamment motivée et ce, alors même que le préfet ne vise pas expressément le point 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne mentionne pas les conditions d'entrée et de séjour du fils mineur de l'intéressée, dès lors qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de ce dernier, ledit arrêté relevant avec précision d'une part, l'existence des deux enfants de Mme B... épouse D...et la circonstance que le plus jeune est encore mineur, et d'autre part, la possibilité de reconstruction de la cellule familiale en cas de retour dans le pays d'origine ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; que pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;
6. Considérant que Mme B... épouse D...se prévaut de la circonstance qu'elle n'aurait plus quitté le territoire français depuis son entrée en novembre 2011, de l'existence de sa cellule familiale constituée de son époux et de leurs deux enfants, de la scolarisation de ces derniers à Montpellier, de leur scolarité suivie avec sérieux et assiduité depuis leur arrivée en France, et des efforts d'intégration dont la requérante et son mari font preuve de par leur apprentissage assidu de la langue française et de par la participation dudit époux aux activités associatives au sein de la compagnie Emmaüs en qualité de compagnon ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée se maintient sur le territoire en situation irrégulière avec son conjoint depuis que leurs demandes d'asile respectives ont été rejetées par décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmées par arrêts de la Cour nationale du droit d'asile ; que son époux a déjà fait l'objet d'une précédente décision de refus de titre de séjour assortie d'une mesure d'éloignement en date du 25 septembre 2013 dont la demande d'annulation a été rejetée par jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 février 2014 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 juin 2015 sauf en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, annulée en tant qu'elle désignait la Chine comme pays d'éloignement, et qu'il a ensuite fait l'objet d'un nouvel arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 20 novembre 2015 dont la demande d'annulation a également été rejetée par un jugement du 20 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier confirmé en appel par un arrêt du 10 octobre 2017 de la Cour ; que si par ailleurs, Mme B... épouse D...se prévaut de ce qu'elle a suivi, ainsi que son époux, des cours de français et de ce que ce dernier exerce une activité en qualité de compagnon d'Emmaüs depuis le 19 août 2016, ces circonstances ne sauraient suffire à établir l'existence en France de liens personnels et familiaux suffisamment stables, anciens et intenses, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le conjoint, de même nationalité, en situation irrégulière, fait également objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement, par un arrêté du même jour que celui en litige, et que les décisions contestées n'ont ni pour effet, ni pour objet, de séparer de ses parents l'enfant mineur du couple qui est de même nationalité ; qu'en outre, la requérante n'établit ni ses allégations selon lesquelles elle risque d'être persécutée en cas de retour dans son pays d'origine, ni avoir perdu toute attache dans ce pays dans lequel elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-cinq ans ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté au droit de Mme B... épouse D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions et stipulations précitées ; que pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur la situation personnelle de l'intéressée ;
7. Considérant qu'aux termes du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu' elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que doit être regardé comme un enfant en application de l'article premier de cette convention " tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
8. Considérant que si le fils aîné de la requérante, ayant atteint l'âge de la majorité à la date de l'arrêté contesté, n'entre ainsi plus dans le champ d'application de ces stipulations, leur méconnaissance peut être invoquée s'agissant du fils cadet, âgé quant à lui de neuf ans à la date dudit arrêté ; que toutefois, nonobstant les résultats satisfaisants obtenus par cet enfant au cours de sa scolarité commencée en France à l'école maternelle et poursuivie jusqu'en classe de CM1, il ne ressort des pièces du dossier, ni que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Mongolie, pays d'origine des membres de cette famille dont ils ont la nationalité, ni qu'il existerait des circonstances faisant obstacle à ce que cet enfant poursuivre sa scolarité dans ce pays ; que, par suite, l'arrêté en litige n'a pas été pris en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme B... épouseD..., et le préfet n'a dès lors pas violé les stipulations précitées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
17MA04981 2
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