Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2017, sous le n° 17MA04892, Mme B... épouseC..., représentée par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 et la décision du 10 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me D... en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet s'est cru lié par les stipulations de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en raison des violences conjugales qu'elle a subies ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle viole les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme B... épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... épouse C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouseC..., née le 15 octobre 1993, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 10 octobre 2017 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2017 du préfet de l'Hérault qui a refusé de lui renouveler son certificat de résidence et lui a fait obligation à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, ainsi que de la décision du 10 avril 2017 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux ".
3. Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leur conjoint et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur sa situation personnelle.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault se serait cru tenu de rejeter la demande de l'intéressée sur le fondement des stipulations de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il ressort des motifs de la décision contestée qu'il a examiné l'ensemble de sa situation et notamment les violences qu'elle prétend avoir subies. Ainsi, le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu sa compétence, en s'abstenant d'apprécier l'opportunité de faire usage de son pouvoir de régularisation, doit être écarté.
5. Mme B... épouse C...est entrée en France le 1er novembre 2015 sous couvert d'un visa valable jusqu'au 15 avril 2016 pour rejoindre son mari, de nationalité française, qu'elle a épousé en Algérie le 12 février 2015. Elle a bénéficié à ce titre d'un certificat de résidence valide du 29 décembre 2015 au 28 décembre 2016 dont elle a demandé le renouvellement, le 20 octobre 2016, sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle soutient que la communauté de vie avec son mari a cessé depuis le 6 janvier 2016 en raison des violences conjugales commises par son époux. Toutefois, les pièces qu'elle verse au dossier constituées par une main courante déposée le 6 janvier 2016 ayant pour objet l'abandon du domicile par son conjoint, un certificat médical établi le 7 janvier 2016 ne mentionnant pas l'identité de l'auteur des violences, une attestation d'un psychologue précisant qu'elle a été reçue à deux reprises en consultation en raison d'un contexte d'un conflit conjugal, une notification du 2 novembre 2010 de la levée de l'hospitalisation sans consentement de son époux, deux témoignages de connaissances faisant état d'une dispute intervenue le 4 janvier 2016 et une attestation d'une amie de sa mère qui mentionne qu'arrivée sur les lieux, elle l'a trouvée " tabassée par son mari" mais qui ne comporte aucune description directe des faits de violence allégués, ne permettent pas d'en établir la réalité. Dans ces conditions, Mme B... épouse C...ne peut être regardée, au vu des seuls éléments produits, comme établissant que la rupture de la communauté de vie aurait été provoquée par les violences de son conjoint. Dès lors, le préfet de l'Hérault, en refusant de lui renouveler son certificat de résidence, eu égard, notamment, à l'absence d'enfant issu de cette union et à la présence en Algérie de ses parents et de sa fratrie, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation à laquelle il s'est livré de la situation personnelle de Mme B... épouse C...dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouseC..., sans charge de famille, résidait en France depuis le 1er novembre 2015, soit pendant une durée de séjour brève à la date de la décision en litige. Ainsi qu'il a été dit au point 5, la communauté de vie avec son époux avait cessé depuis le 6 janvier 2016. Par ailleurs, elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle avait vécu jusqu'à l'âge de 22 ans et où résidaient ses parents ainsi que sa fratrie. Dans ces conditions et alors même qu'elle aurait bénéficié d'un logement et d'un travail en qualité d'assistante de vie, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement contestée méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
9. Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".
10. Si Mme B... épouse C...se prévaut des difficultés d'obtention d'un visa auprès des autorités consulaires françaises en Algérie, cette décision ne fait pas obstacle à ce qu'elle se fasse représenter par un conseil lors des procédures juridictionnelles relatives à son divorce. Par suite, la décision en litige ne méconnaît pas son droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 février 2017 et de la décision du 10 avril 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... épouse C...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme B... épouse C...aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
13. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme B... épouse C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
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N° 17MA04892
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