Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 22 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels et humanitaires d'admission au séjour et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant philippin né le 8 septembre 1986, a présenté le 29 novembre 2016 une demande tendant à son admission exceptionnelle au séjour et à la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 22 juin 2017 le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. D... relève appel du jugement du 2 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 juin 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 juin 2017 contesté :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. M. D..., qui soutient être entré en France le 22 décembre 2009, se prévaut de sa présence effective et continue sur le territoire français depuis cette date, de son concubinage avec une compatriote, de la naissance en France de leurs deux enfants en 2015 et 2017, de la présence régulière en France d'un frère, d'une soeur, des membres de la fratrie de sa compagne ainsi que de la mère de cette dernière de nationalité française. Il fait valoir également qu'il a perdu toute attache dans son pays d'origine depuis le décès de son père en 2002 et qu'il a transféré ses intérêts privés et familiaux en France. Toutefois, la production par M. D... de la copie de son passeport attestant de son entrée sur le territoire néerlandais le 22 décembre 2009 par l'aéroport d'Amsterdam n'est pas de nature à établir la date de son entrée en France. Les avis de non imposition pour les années 2010 et 2011 versés au dossier, qui comportent des incohérences quant à sa situation maritale, ne peuvent être regardés comme présentant des garanties d'authenticité. Enfin, la seule production de deux feuilles de soins de l'assurance maladie, l'une datée du 14 juin 2010 et l'autre du 23 septembre 2010 et d'une facture d'énergie du 5 décembre 2011 ne permet pas d'établir la réalité de son séjour sur le territoire français au cours des années 2010 et 2011. Si en revanche la présence habituelle de l'intéressé en France depuis l'année 2012 ressort des pièces du dossier, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir qu'il y aurait transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux. Si M. D... justifie d'une communauté de vie avec une compatriote depuis l'année 2013, il ressort de ces mêmes pièces que sa compagne est également en situation irrégulière et a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français pris le même jour par le préfet des Alpes-Maritimes. En outre, si le couple a donné naissance en France à deux jeunes enfants, l'une le 27 mars 2015 et l'autre le 18 août 2017, soit d'ailleurs dans ce dernier cas postérieurement à la date de l'arrêté contesté, cette circonstance ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale hors de France. Enfin, si plusieurs membres de leur famille respective résident sur le territoire français et si la compagne de M. D... bénéficie d'une promesse d'embauche, ces éléments ne sauraient suffire à le faire regarder comme disposant désormais de liens en France suffisamment stables, anciens et intenses, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, sans emploi, ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française et n'établit pas avoir perdu toute attache dans son pays d'origine dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et où demeure toujours sa mère. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté pris à l'encontre de M. D... n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.
5. Compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M. D..., qui est sans emploi, sans qualification particulière et qui ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. L'arrêté contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de contraindre la jeune enfant Jan Zoé Jeff née le 27 mars 2015, ni le second enfant du couple né le 18 août 2017, à vivre séparé de l'un de ses parents, dès lors que la compagne de M. D..., également de nationalité philippine, se trouve en situation irrégulière en France et que rien ne s'oppose à ce que les intéressés emmènent avec eux leurs enfants dans leur pays d'origine où leur vie familiale peut se poursuivre. Par ailleurs, la seule circonstance que la mère de l'enfant soit titulaire d'une promesse d'embauche pour un emploi d'aide à domicile, ne saurait constituer un obstacle à la préservation de l'intérêt supérieur des enfants du couple. Par suite les stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée n'ont pas été méconnues.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
D É C I D E
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme A..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
N° 18MA00514 2
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