Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2014, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 24 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juin 2014 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mette à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 et celles de l'article 2.3.3 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- elle est fondée à se prévaloir des lignes directrices des circulaires du 31 juillet 2009 et du 28 novembre 2012 ;
- elle est fondée à obtenir la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant la Tunisie comme pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 modifié entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C..., de nationalité tunisienne, entrée en France le 10 octobre 2009 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " a, en 2011, sollicité un changement de statut à la suite de son mariage avec un ressortissant français et obtenu la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de français sur le fondement de l'article 10.1 a) de l'accord franco-tunisien ; que, par un arrêté du 19 juin 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande au motif que l'intéressée n'était plus en mesure de justifier d'une communauté de vie effective avec son époux, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, Mme C... relève appel du jugement du 24 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;
Sur la légalité externe de l'arrêté du 19 juin 2014 :
2. Considérant que Mme C... se borne à reprendre à l'appui de sa requête d'appel dirigée contre le refus de séjour et la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français les mêmes moyens de légalité externe que ceux déjà présentés devant le tribunal administratif de Nice tirés de ce que ces deux décisions souffriraient d'un défaut de motivation ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
Sur la légalité interne de l'arrêté du 19 juin 2014 :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie entre Mme C... et son époux avait cessé à la date de l'arrêté contesté ; qu'une procédure de divorce était d'ailleurs en cours ainsi que l'atteste l'ordonnance de non-conciliation du 5 décembre 2013 rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse ; qu'ainsi, c'est par une exacte application des stipulations susmentionnées de l'accord franco-tunisien que le préfet lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles l'autorité administrative peut accorder le renouvellement du titre lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, ne sont pas applicables à une demande de renouvellement de carte de séjour en qualité de conjoint de français au titre des stipulations l'accord franco-tunisien, qui régit à cet égard d'une manière complète les conditions dans lesquelles ce renouvellement intervient ; que les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de l'existence des violences conjugales dont, selon Mme C..., résulterait la rupture avec son époux, sont, par suite, inopérants ; qu'en tout état de cause, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, s'il existait une mésentente entre les conjoints, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de vie ait été rompue du fait de l'existence de telles violences ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 en matière de séjour et de travail : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " " ; que le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a pas sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de ces stipulations relatives à la délivrance d'un titre de séjour pour des motifs professionnels, mais seulement en qualité de conjoint de français ; que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 juillet 2009 relative à l'application du protocole du 28 avril 2008 constituent pour le préfet, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de régularisation, des orientations générales dont les ressortissants étrangers ne peuvent, en tout état de cause, utilement se prévaloir ; que, par suite, les moyens tirés de ces stipulations et de cette circulaire sont inopérants ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ;
9. Considérant que, comme il a été dit au point 5 , Mme C... ne justifie pas des violences conjugales qu'elle prétend avoir subies ; que, par ailleurs, les circonstances que l'intéressée a obtenu à l'issue de sa scolarité en France un certificat bac +3 management et marketing évènementiel, qu'elle a travaillé occasionnellement comme hôtesse d'accueil, puis à compter du mois de mai 2013 en contrat à durée indéterminée comme serveuse dans un restaurant, ne suffisent pas à établir que sa demande répondait à des considérations humanitaires ou était justifiée par des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas méconnu ces dispositions ni commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, par suite, Mme C... ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 et notamment de celles relatives à l'examen des demandes d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C... se trouvait en France depuis moins de cinq ans à la date de l'arrêté litigieux ; que si elle se prévaut de la présence en France d'une soeur, d'une tante et de cousins, elle était à cette même date en instance de divorce et ne justifie pas, par ailleurs, être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans ; que si elle était employée comme serveuse depuis le mois de mai 2013, elle n'exerçait son activité professionnelle que depuis un an environ à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, en refusant à Mme C... le renouvellement de sa carte de séjour, le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'était nullement tenu en l'absence de toute indication en ce sens dans la demande de vérifier que l'intéressée ne faisait pas l'objet de violences conjugales, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme C... avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ; qu'il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point 11, qu'il n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni porté une appréciation manifestement erronée sur les conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
14. Considérant qu'eu égard, notamment, au caractère peu circonstancié du récit de Mme C... et en l'absence de tout justificatif pour soutenir que sa vie serait menacée en Tunisie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait méconnu ces stipulations, ni commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant la Tunisie comme pays d'éloignement ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juin 2014 du préfet des Alpes-Maritimes ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui accorder un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa demande et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 26 février 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 14MA04548
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