Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2016, M. E... A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 25 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence comportant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir, ou à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, sous la même condition d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil, lequel s'engage alors à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 6,1° de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 6,5° de l'accord franco-algérien ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 6 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2017.
Un mémoire présenté pour le préfet de l'Hérault a été enregistré le 3 mars 2017.
M. E... A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 20 juin 2016 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Georges Guidal, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. E... A..., né en 1969, de nationalité algérienne, est entré une première fois sur le territoire français le 21 septembre 2002 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière du préfet de l'Hérault en date du 24 mars 2010, qui a été mis à exécution le 1er avril 2010 ; que revenu une seconde fois sur le territoire français à une date indéterminée, il a fait l'objet de trois refus de séjour successifs en janvier 2013, août 2014 et septembre 2015, lesquels ont été assortis d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; qu'il relève appel du jugement n° 1600114 en date du 12 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé une nouvelle fois de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, à compter de l'expiration du délai de départ de trente jours ;
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 25 septembre 2015 a été signé par M. D... B..., sous-préfet hors classe, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, qui a reçu, par un arrêté du 31 juillet 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault le même jour, une délégation de signature à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault ", à l'exception d'une part " des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre " et, d'autre part, " de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ", exceptions dont ne relèvent pas les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que si M. E... A...fait valoir que les dispositions du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ont été abrogées, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, désormais régie par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, reste exclue de la délégation litigieuse, laquelle ne présente pas un caractère trop général ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;
En ce qui concerne les moyens dirigés contre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié: " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ; (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et des déclarations mêmes de M. E... A...que l'intéressé a quitté le territoire français à la suite de la mise à exécution le 1er avril 2010 de l'arrêté en date du 24 mars 2010 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé de sa reconduite à la frontière ; qu'il ne justifie pas de la date de son retour en France ; que cette circonstance est de nature à interrompre le délai relatif à la durée de résidence habituelle en France ; qu'ainsi, il ne démontre pas, en tout état de cause, une résidence habituelle de dix années à la date de l'arrêté contesté ; qu'il en résulte qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du point 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort également des pièces du dossier que M. E... A...est célibataire, sans enfant, et n'est pas dépourvu de toute attache en Algérie, son pays d'origine dans lequel résident ses parents et l'ensemble de sa fratrie ; que la simple promesse d'embauche en date du 8 septembre 2015 en qualité d'ouvrier façadier ne saurait suffire à établir l'existence de liens personnels suffisamment intenses, stables et anciens au point qu'un refus de titre de séjour devrait être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est institué une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ;
7. Considérant que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète tant les conditions d'admission des ressortissants algériens à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, que les règles relatives à la nature et à la durée des titres de séjour pouvant leur être délivrés, sans pour autant écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions procédurales qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que la situation dans laquelle se trouvent ces ressortissants algériens entre à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte en revanche de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non du cas de tous les étrangers qui s'en prévalent; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment au point 5, M. E... A...ne satisfait pas aux conditions posées par le point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité, lequel a pour équivalent le 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle de M. E... A...doivent être écartés ;
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...)/ Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification (...)/ L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...)" ;
11. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que pour décider d'interdire à M. E... A...le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, le préfet de l'Hérault a pris en compte la durée de présence de ce dernier en France, la nature et l'ancienneté des liens qu'il y aurait noués et la circonstance qu'il a déjà fait objet de trois précédentes mesures d'éloignement, sans se fonder sur l'existence d'une menace pour l'ordre public qui serait constituée par la présence de l'intéressé en France ; que ces éléments sont de nature à justifier légalement une telle décision ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que cette décision ne saurait davantage méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance, que M. E... A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que par suite, les conclusions à fin d'annulation de ce jugement doivent être rejetées ; que par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, tout ou partie de la somme demandée par M. E... A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017 où siégeaient :
-M. Pocheron, président,
-M. Guidal, président-assesseur,
-M. Chanon, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 septembre 2017.
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N°16MA03304
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