Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2015, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 19 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande d'admission au séjour et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le signataire de l'arrêté ne justifie pas d'une délégation de signature ;
- l'avis de la commission du titre de séjour ne lui a pas été régulièrement notifié ;
- le préfet a porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 30 septembre 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de MmeA..., de nationalité comorienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., née le 24 avril 1968, séjourne habituellement en France depuis le 25 octobre 1999, date de son entrée sur le territoire sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'après avoir achevé des études universitaires, l'intéressée a travaillé de 2000 à 2011 et aurait perdu son emploi à la suite de contacts entre les services préfectoraux et l'employeur ; qu'elle est bien insérée socialement en France et participe notamment à des activités associatives ; qu'une soeur de Mme A...dispose de la nationalité française et qu'un de ses frères séjourne régulièrement en France ; qu'elle a conclu, le 9 avril 2014, un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français qui réside à Saint-Denis (La Réunion) ; que si la communauté de vie avec celui-ci n'est pas établie, Mme A...a effectué plusieurs déplacements à La Réunion pour le rejoindre ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de MmeA..., le préfet a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, l'arrêté préfectoral contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et l'arrêté préfectoral du 19 février 2015 doivent être annulés ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
6. Considérant qu'eu égard à ses motifs, l'annulation de l'arrêté préfectoral implique nécessairement que l'administration délivre à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à l'intéressée un tel titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 septembre 2015 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 19 février 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à MmeA..., dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
N° 15MA03991 2
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