Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2014, M. E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 14 mai 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 mai 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui octroyer un certificat de résidence dans un délai d'un mois, sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;
- l'absence de motivation l'a privé de la possibilité d'exercer un recours effectif contre cette décision en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel de sa situation ;
- la mesure d'éloignement est intervenue en méconnaissance de son droit d'être entendu, consacré comme principe général du droit de l'Union européenne ;
- cette décision a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 1. et du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale dès lors qu'il justifiait de garanties de représentation suffisantes ;
- en ordonnant son placement en rétention plutôt que son assignation à résidence, le préfet a méconnu les articles L. 651-2 et L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la directive 2008/115/CE et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
Par une lettre du 19 janvier 2016, la Cour a informé les parties que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe dès lors que le requérant n'a soulevé, dans le délai de recours, que des moyens de légalité interne relevant d'une cause juridique distincte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de légalité externe sont irrecevables et qu'aucun des moyens de légalité interne soulevés n'est fondé.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 18 juin 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M.A...'hôte, premier conseiller.
1. Considérant que, par un arrêté en date du 10 mai 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. E..., de nationalité algérienne, à quitter le territoire français sans délai ; que, par une décision du même jour, il a ordonné son placement en rétention administrative ; que M. E... fait appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 14 mai 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
2. Considérant que M. E..., qui ne conteste pas en appel le jugement du 14 mai 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision ayant ordonnée son placement en rétention, ne peut utilement soutenir que cette décision était illégale ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
4. Considérant que M. E... s'est vu refuser le 19 septembre 2011 la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il était dès lors au nombre des étrangers pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en vertu du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. E... n'a présenté en première instance aucun moyen de légalité externe ; qu'ainsi, il n'est pas recevable, en appel, à soutenir que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé et aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour le préfet de l'avoir préalablement entendu et d'avoir procédé à un examen effectif de sa situation, ces moyens reposant sur une cause juridique dont il ne s'est pas prévalu en première instance ;
6. Considérant, en troisième lieu, que le vice de forme allégué n'a pas privé le requérant du droit à un recours effectif contre la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, comme en témoigne d'ailleurs la présente instance ; que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a dès lors pas été méconnu ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que M. E... fait valoir qu'il est entré en France le 4 juillet 2004 et qu'il s'y est maintenu depuis ; que, par les pièces qu'il produit, essentiellement d'ordre médical, il justifie en effet d'une présence habituelle sur le territoire français depuis septembre 2004 ; qu'il est entré cependant en France à l'âge 53 ans ; qu'il est constant que son épouse et leurs quatre enfants, dont trois sont mineurs, sont demeurés en Algérie ; qu'il ne justifie pas d'une insertion sociale ou économique dans la société française, ni avoir noué en France des liens personnels d'une particulière intensité ; que, dans ces circonstances, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement lui faire obligation de quitter le territoire français sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
9. Considérant, en cinquième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés, M. E... n'est pas fondé à soutenir que, dans la mesure où il pourrait prétendre de plein droit à un certificat de résidence sur le fondement du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que le requérant, qui déclare lui-même être entré sur le territoire français le 4 juillet 2004, ne peut davantage soutenir qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté du 14 mai 2014 et pouvait ainsi bénéficier de plein droit de la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 1. du même article 6 ;
Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :
10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;
11. Considérant que M. E..., qui soutient qu'après 10 ans de présence en France, il justifiait de garanties de représentation suffisantes , ne conteste toutefois pas s'être soustrait aux mesures d'éloignement dont il a fait l'objet les 22 octobre 2006 et 18 août 2009 ; que, lors de son audition par les services de police le 10 mai 2014, il a déclaré refuser de retourner en Algérie et vouloir rester en France ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu estimer, sans erreur d'appréciation, qu'il existait un risque que le requérant se soustrait à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 10 mai 2014 ; que cette circonstance suffisait à elle seule à justifier, en application du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire ; que, dès lors, le requérant ne peut utilement faire valoir qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M.A...'hôte, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 février 2016.
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N° 14MA03133
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