Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2018, sous le n° 18MA05240, le préfet de l'Hérault demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 novembre 2018 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel il a prononcé le transfert de M. B... aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'Italie présentait des défaillances systémiques dans l'accueil et la prise en charge des demandeurs d'asile ;
- de telles défaillances ne sont pas établies par M. B... ;
- il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne pourrait pas bénéficier de soins en Italie ;
- les décisions contestées sont fondées dès lors que M. B... a déposé une demande d'asile en Italie et les autorités italiennes ont accepté de le reprendre.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Hérault relève appel du jugement du 2 novembre 2018 en tant que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel il a prononcé le transfert de M. B... aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". L'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. "
3. M. B..., né le 23 avril 1992 de nationalité sénégalaise, déclare être entré irrégulièrement en France le 10 août 2018 et a déposé une demande d'asile le 28 août 2018. Le préfet de l'Hérault a consulté le fichier Eurodac qui a révélé que l'intéressé avait sollicité l'asile en Italie le 13 mars 2017. Le 20 octobre 2018, les autorités italiennes ont implicitement accepté la demande de transfert du préfet. Par les arrêtés contestés, ce dernier a décidé du transfert de M. B... vers l'Italie et a prononcé à son encontre une mesure d'assignation à résidence. M. B... invoque les conditions déplorables d'accueil et de traitement des demandeurs d'asile en Italie. Toutefois, ses seules allégations ne sont pas suffisantes pour établir que les autorités italiennes ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, en l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, au demeurant Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de transfert aux autorités italiennes de M. B....
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier.
5. Par arrêté n° 2018-I-1094 du 3 octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Hérault a accordé une délégation de signature à Mme A..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, " toute décision ayant trait à une mesure d'éloignement concernant les étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire français et les décisions en matière (...) d'assignation à résidence ". En vertu d'une telle délégation de signature, l'arrêté en litige a pu être régulièrement signé, pour le préfet, par Mme A....
6. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a déclaré comprendre le français. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la notification de la décision attaquée aurait dû être réalisée en langue wolof. Par ailleurs, il ressort des mentions de cette décision qu'elle lui a été notifiée le 29 octobre 2018 en langue française.
8. Le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 12 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, lesquelles ont été régulièrement transposées par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011.
9. Il ressort des mentions de la décision contestée, que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. B.... Plus particulièrement, cette décision mentionne que les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 20 octobre 2018. Par ailleurs, M. B... a été reçu en entretien par un agent de la préfecture de l'Hérault le 28 août 2018. Le procès-verbal de cet entretien mentionne que M. B... a déclaré être célibataire, sans enfant et n'avoir aucun membre de sa famille en France. Il ne peut donc ainsi reprocher au préfet de l'Hérault de ne pas avoir pris la peine de l'interroger sur sa vie privée et familiale en France. La circonstance que cette décision ne précise pas la réponse apportée par les autorités italiennes à sa demande d'asile n'est pas de nature à la faire regarder comme entachée d'un défaut d'examen de sa situation.
10. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a reçu les brochures informatives A et B ainsi que le guide d'accueil du demandeur d'asile en langue française que le requérant a déclaré comprendre. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.
12. Si M. B... soutient qu'il est bien intégré, qu'il parle le français et qu'il bénéficie d'une couverture maladie, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 29 octobre 2018 par lequel il a prononcé le transfert de M. B... aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 2 novembre 2018 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a annulé l'arrêté du 29 octobre 2018 portant transfert de M. B... aux autorités italiennes est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. E... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C..., première conseillère,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 avril 2019.
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