Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, Mme B... épouseA..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon du 10 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 2 février 2018 décidant de sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du même jour l'assignant à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours ;
4°) d'enjoindre au préfet du Var de procéder au réexamen de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Elle soutient que :
- l'entretien dont elle a bénéficié n'a pas été mené dans le respect des règles énoncées à l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le non-respect par les autorités italiennes du droit d'asile fait obstacle à sa remise aux autorités de ce pays ;
- l'arrêté décidant de sa remise aux autorités italiennes a été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté l'assignant à résidence est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités italiennes.
La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... épouse A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B... épouseA..., de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 6 septembre 2017 selon ses allégations et a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes ; qu'estimant, sur le fondement d'éléments issus de la consultation du fichier Eurodac, que l'intéressée avait précédemment sollicité l'asile en Italie, le préfet des Alpes-Maritimes a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge ; qu'un accord implicite est né, le 19 janvier 2018, du silence gardé sur cette demande ; que, par un arrêté du 2 février 2018, le préfet du Var a décidé la remise de Mme B... épouse A...aux autorités italiennes ; qu'il a, par un arrêté du même jour, ordonné son assignation à résidence ; que Mme B... épouse A...relève appel du jugement du 10 février 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 2 février 2018 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé " ;
3. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'impose que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené ; que ce résumé, qui, selon le point 6 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, ne saurait être regardé comme une correspondance au sens de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration ; que dès lors, l'agent qui établit ce résumé n'est pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom et sa qualité ; que, par suite, la circonstance que ces indications n'apparaissent pas sur le résumé de l'entretien individuel mené avec Mme B... épouse A...est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Alpes-Maritimes était compétent pour enregistrer la demande d'asile de Mme B... épouse A...et procéder à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande ; que, par suite, les services de la préfecture des Alpes-Maritimes, et en particulier les agents recevant les étrangers au guichet des demandeurs d'asile, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu par ces dispositions ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse A...a été reçue en entretien par un agent de la préfecture des Alpes-Maritimes le 27 novembre 2017 ; que le procès-verbal d'entretien, sur lequel est apposé le cachet de la préfecture, mentionne que celui-ci a été mené par un agent de la préfecture, qui a d'ailleurs signé le document, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens et pour l'application des dispositions précitées ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions en garantissant la confidentialité, ni qu'il n'aurait pas revêtu un caractère personnel ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet du Var méconnaîtrait les dispositions sus rappelées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre " ; qu'aux termes de l'article 3.2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;
6. Considérant que l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si Mme B... épouse A...soutient que les autorités italiennes, confrontées à un afflux de migrants, ne sont pas en mesure d'accorder aux demandeurs d'asile des conditions d'accueil satisfaisantes, elle ne fournit aucune précision ni aucun élément sur le séjour qu'elle a effectué en Italie, avant de se rendre en France, et les difficultés qu'elle aurait pu rencontrer dans ce pays, notamment en termes d'accueil ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier ni que la demande d'asile de Mme B... épouse A...ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale en Italie pour le suivi de sa grossesse ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;
7. Considérant que si Mme B... épouse A...fait valoir que son époux et ses deux enfants mineurs âgés de quatre et six ans résident en France, que ses enfants sont scolarisés en classe maternelle et qu'elle parle le français, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est entrée en France avec sa famille que le 6 septembre 2017, que son mari lui-même en situation irrégulière sur le territoire français a fait l'objet d'une décision de remise aux autorités italiennes prise le même jour que celle la concernant ; que la décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents et qu'aucune circonstance ne fait obstacle à la poursuite de la vie familiale des intéressés en Italie où la requérante peut bénéficier d'une prise en charge médicale pour le suivi de sa grossesse ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B... épouse A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de transfert aux autorités italiennes n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence serait dépourvue de base légale et devrait être annulée par voie de conséquence ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...épouse A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme D..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
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N° 18MA01107
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