Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le préfet ne pouvait légalement, après avoir abrogé l'acte par lequel il a rejeté sa demande de titre de séjour, s'autosaisir d'une demande de réexamen de cette demande alors qu'il y a déjà statué ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure, tiré du non respect du caractère contradictoire de la procédure au sens de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que du droit d'être entendu qui fait partie intégrante des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne ;
- il est entaché d'erreur de droit en ce que la possibilité de mettre en oeuvre la procédure de regroupement familial n'exclut pas qu'une décision de refus de titre de séjour puisse méconnaître les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité marocaine, a présenté une demande de titre de séjour le 19 octobre 2016 au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 28 novembre 2016, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par l'arrêté contesté du 26 janvier 2017, le préfet de l'Hérault a abrogé cet arrêté du 28 novembre 2016 au motif qu'il mentionnait un délai de recours contentieux erroné et a prononcé à l'encontre de M. A... un nouveau refus de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement. Ce dernier relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. En jugeant qu'alors même que son épouse, qui vit en France depuis plus de treize ans avec l'essentiel de sa famille sous couvert d'une carte de résident, a vocation à demeurer en France ou elle prend soin de sa mère âgée de soixante-six ans, M. A... n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer au Maroc sa cellule familiale, dont les membres sont tous des ressortissants, où il a vécu la majeure partie de son existence et où il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales et personnelles, le tribunal a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention internationale des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un (...) acte non règlementaire non créateur de droit peut pour tout motif, et sans conditions de délai, être modifié ou abrogé, sous réserve le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6 ". L'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 novembre 2016 rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. A... n'a fait naître aucun droit au profit de celui-ci. Ainsi, en application de ces dispositions, le préfet a pu légalement procéder par l'arrêté du 26 janvier 2017 à l'abrogation de cet acte en raison de l'erreur constatée dans la mention du délai de recours contentieux ouvert à son encontre.
4. Le nouvel arrêté du 26 janvier 2017 du préfet de l'Hérault, qui repose sur les mêmes dispositions légales et règlementaires que l'arrêté abrogé et qui en reprend les motifs et le dispositif, a la même portée que celui-ci. Il doit être regardé comme ayant été pris au vu de la demande présentée initialement le 19 octobre 2016 par M. A..., qui d'ailleurs ne fait valoir aucun élément nouveau relatif à sa situation personnelle qui serait survenu depuis la décision d'abrogation. Dès lors, l'arrêté contesté ne peut être considéré comme ayant été édicté en l'absence de toute demande émanant de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'autosaisissant du réexamen de la demande sur laquelle il avait déjà statué doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Il découle de ce qui vient d'être précédemment exposé au point 4 que l'arrêté contesté fait suite à une demande de M. A.... Par suite, celui-ci ne peut utilement soutenir qu'il aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire lui permettant de faire valoir ses observations.
6. A l'occasion du dépôt de sa demande, l'intéressé a été conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demandait que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en ne la mettant pas à même de faire valoir des observations complémentaires il a été privé de son droit d'être entendu, en méconnaissance du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne.
7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige du préfet de l'Hérault, qui vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 313-11 et le 3° du I de l'article L. 511-1, comporte les considérations de droit qui constituent son fondement. Il comporte également les considérations de fait sur lesquelles il se fonde, par le rappel de l'identité précise du requérant, de ses conditions d'entrée et de séjour sur le territoire français, de sa situation administrative, notamment de la précédente mesure d'éloignement dont il a fait objet, ainsi que de sa situation matrimoniale. Le préfet a porté son appréciation sur l'existence des liens de l'intéressé dans son pays d'origine et de sa possibilité d'y retourner. Par suite, et alors même que l'arrêté en litige ne mentionnerait pas de manière exhaustive tous les éléments relatifs à la situation personnelle du requérant, particulièrement le fait que l'essentiel de la famille de son épouse réside en France, notamment sa mère dont elle serait la seule à pouvoir s'en occuper, ni ne ferait état de l'exercice par son épouse d'une activité professionnelle, il est suffisamment motivé.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
10. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet a indiqué que M. A... ne démontrait pas qu'il serait dans l'impossibilité de regagner son pays d'origine le temps nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure de regroupement familial par son épouse et que dans ces conditions, un refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, il n'a nullement entendu faire de la possibilité de mettre en oeuvre cette procédure un critère permettant de justifier le refus de délivrance du titre de séjour qu'il a opposé à l'intéressé sur le fondement des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché cet arrêté à ce motif.
11. En deuxième lieu, M. A... est marié depuis 2015 à une compatriote qui séjourne en France depuis plus de dix-huit mois et qui est titulaire d'une carte de résident de dix ans. Il entre ainsi dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial tel que prévu à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut donc se prévaloir des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du même code.
12. En troisième lieu, et d'une part, M. A... n'établit nullement, par les quelques pièces éparses qu'il produit dans l'instance, son allégation selon laquelle il serait entré en France en 2010 et s'y serait maintenu continuellement depuis. D'autre part, si l'intéressé se prévaut, pour justifier de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, de son mariage le 5 décembre 2015 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et du fait que de cette union est né un enfant le 17 septembre 2016, la formation de cette cellule familiale datait de moins d'un an au moment de l'édiction de la décision querellée et était donc récente. Enfin, M. A... ne conteste pas n'être pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé a déjà fait l'objet d'une décision préfectorale d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porterait, au regard des buts en vue desquels elle a été prise, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et qu'elle méconnaîtrait ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
13. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
14. La seule circonstance que M. A... soit amené à retourner au Maroc en exécution de l'arrêté querellé ne suffit pas à démontrer que le préfet, en prenant cette décision, n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant dès lors, au surplus, que l'exécution de cet arrêté n'implique pas que cet enfant soit privé de la présence permanente de l'un de ses deux parents, ni ne fait obstacle à ce que M. A... sollicite, dans les conditions prévues par la législation sur les étrangers, des autorisations pour entrer sur le territoire français afin de le voir. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 décembre 2018.
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N° 18MA00630
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