Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2018, sous le n° 18MA00954, Mme C... épouseD..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de carte de résident ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;
- elle remplit les conditions pour obtenir une carte de résident de dix ans ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme C... épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouseD..., né le 5 janvier 1982, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de carte de résident.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".
3. Mme C... épouse D...n'établit ni même n'allègue avoir demandé au préfet de l'Hérault la communication des motifs de la décision implicite contestée. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.
4. Aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision implicite en litige : " La carte de résident est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Aux termes de l'article L. 314-10 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident ou la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2. ". Le premier alinéa de l'article L. 314-2 du code précité dispose que : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat.".
5. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de carte de résident sollicitée par Mme C... épouse D...en qualité de " conjointe de français ", le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'insuffisance de sa maîtrise de la langue française, mise en évidence lors de l'entretien individuel mené en préfecture le 8 juin 2016. La requérante ne démontre pas qu'elle aurait une connaissance suffisante de la langue française en se bornant à soutenir que les annexes 2 et 3 ont été complétées alors qu'il ressort de l'annexe 2 qu'elle ne comprenait pas toutes les questions malgré différentes reformulations. Si Mme C... épouse D...verse au débat des certificats médicaux établis les 24 mai 2011 et 17 mai 2016 selon lesquels son état de santé nécessite des absences répétées et épisodiques à l'enseignement du français et limite ses capacités d'apprentissage et de mémorisation pour une durée indéterminée, ainsi que plusieurs ordonnances médicales rédigées notamment les 27 avril 2015, 13 mai 2015, 8 juin 2015, 21 juillet 2015 et 3 mai 2016 lui prescrivant des anti-dépresseurs et anxiolytiques, ces pièces ne sont pas de nature à démontrer qu'elle aurait été dans l'incapacité d'améliorer sa connaissance de la langue française durant ses dix années de présence sur le territoire national. La circonstance que le compte-rendu de l'entretien précité comporte des erreurs sur les date et lieu de naissance de Mme C... épouse D...est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Il en va de même du fait qu'elle serait parfaitement insérée en France et adhèrerait au principe de laïcité. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu légalement refuser de lui délivrer la carte de résident qu'elle sollicitait.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse D...bénéficie d'une carte de séjour temporaire au titre de sa vie privée et familiale qui l'autorise à séjourner en France auprès de son époux et des membres de sa famille qui y résident. La requérante n'établit pas que la décision contestée aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation. Dans ces conditions, cette décision n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de carte de résident.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
9. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... épouse D...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme C... épouse D...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme C... épouse D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseD..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera également adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
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N° 18MA00954
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