Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 avril et 25 juin 2018, sous le n° 18MA01483, Mme C... épouseE..., représentée par Me D... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 2017 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 27 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande sous la même astreinte et dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme C... épouse E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse E...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me A... pour Mme C... épouseE....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouseE..., né en 1946, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de carte de résident.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. / Le caractère suffisant des ressources au regard des conditions de logement fait l'objet d'un avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : (...) / 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que les ressources de Mme C... épouse E...correspondent à la pension de retraite de son époux d'un montant de 800 euros mensuels nets, nettement inférieur au salaire minimum de croissance. La circonstance qu'elle bénéficie avec son conjoint d'un hébergement à titre gratuit chez sa fille n'est pas de nature à pallier l'insuffisance de ses ressources propres. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu légalement refuser de lui délivrer la carte de résident qu'elle sollicitait sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 3 que Mme C... épouse E...disposait, à la date de la décision contestée, de ressources très inférieures au salaire minimum de croissance. Dans ces conditions, la circonstance que le préfet de l'Hérault s'est borné à indiquer ce motif de refus dans sa décision ne permet pas de le regarder comme s'étant cru à tort en situation de compétence liée.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse E...bénéficie d'une carte de séjour pluriannuelle, au titre de sa vie privée et familiale, en cours de validité, qui l'autorise à séjourner en France auprès de son époux et des membres de sa famille qui y résident régulièrement. Dans ces conditions et alors même qu'elle résiderait en France depuis 2003, aurait des problèmes de santé et ne serait plus en âge de travailler, cette décision n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de carte de résident.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... épouse E...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme C... épouse E...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ".
10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme C... épouse E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouseE..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera également adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
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N° 18MA01483
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