Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2018, sous le n° 18MA01494, Mme E... épouseC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'ordonner une mesure d'instruction relative à l'état de santé de sa fille, en application des dispositions des articles R. 625-1 et suivants du code de justice administrative ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2 mars 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ou à défaut de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D... en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur sa demande tendant à l'application des articles R. 625-1 et suivants du code de justice administrative ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- l'avis de l'OFII est remis en cause par un pédiatre qui recommande d'effectuer des examens auprès d'un gastro-entérologue ;
- elle sollicite une mesure d'instruction sur ce fondement ;
- sa fille ne pourra pas accéder effectivement dans le pays d'origine au traitement qui lui est nécessaire ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme E... épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Un courrier du 11 avril 2018 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 22 octobre 2018.
Un mémoire présenté par le préfet du Gard a été enregistré le 13 novembre 2018, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouseC..., née le 16 septembre 1987, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 2 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2017 du préfet du Gard qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 625-1 du code de justice administrative : " Le cas échéant, il peut être fait application des dispositions du titre III du livre V. ". L'article R. 625-2 du code précité dispose que : " Lorsqu'une question technique ne requiert pas d'investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu'elle commet de lui fournir un avis sur les points qu'elle détermine. Elle peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Elle peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Le consultant, à qui le dossier de l'instance n'est pas remis, n'a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l'égard des parties. (...) ". Aux termes de l'article R. 625-3 du même code : " La formation chargée de l'instruction peut inviter toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'ordonner une mesure d'instruction relative à l'état de santé de sa fille, en application des dispositions des articles R. 625-1 et suivants du code de justice administrative. Le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en ne se prononçant pas sur cette demande dès lors que cette décision relève du pouvoir propre du juge.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
4. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le refus de séjour opposé à Mme E... épouse C...a été pris au vu de l'avis émis le 14 septembre 2017 par le collège de médecins de l'OFII qui a estimé que la jeune B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. S'il ressort du certificat médical émis le 13 décembre 2017 par un médecin du centre hospitalier d'Alès et des attestations d'une assistance sociale et d'une diététicienne des 14 et 18 décembre 2017 versés au débat que la fille de la requérante a subi une intervention chirurgicale le 3 décembre 2015, peu de temps après sa naissance, en raison d'une cardiopathie et qu'elle souffre d'un retard de croissance dans un contexte de difficultés alimentaires et de symptômes digestifs nécessitant un traitement médical comprenant des médicaments et des aliments spéciaux, ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause valablement l'avis précité, plus particulièrement l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de traitement. Il s'en suit que Mme E... épouse C...ne peut utilement se prévaloir de l'absence de traitement approprié effectif dans son pays d'origine. Ainsi, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Gard n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 6 -7° l'accord franco-algérien.
7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... épouse C...est entrée en France le 3 juin 2015, sous couvert d'un visa Schengen de court séjour. Ainsi, sa durée de séjour d'un peu plus deux ans à la date de la décision contestée est courte. Elle n'est pas dépourvue d'attache familiale en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où réside son époux. Elle ne fait état d'aucune circonstance qui empêcherait la reconstitution de sa cellule familiale et la poursuite de la scolarité de ses deux enfants aînés dans son pays d'origine. Dans ces conditions et alors même que ses parents ainsi que ses frères et soeurs résideraient sur le territoire national, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Ainsi qu'il a été au point 8, rien ne fait obstacle à ce que Mme E... épouse C...reparte avec ses enfants en Algérie où vit son époux et où elle ne démontre pas qu'ils ne pourraient pas y poursuivre une scolarité. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ".
12. Par l'arrêté attaqué, le préfet du Gard a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme E... épouse C...et a suffisamment motivé cette décision, ainsi qu'il a été dit au point 4. En vertu des dispositions précitées du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision.
13. Pour les motifs indiqués aux points 4 à 10, Mme E... épouse C...n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre l'obligation de quitter le territoire français, l'illégalité du refus de titre de séjour.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et violerait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, doivent être écartés.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
15. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.
16. Pour les motifs indiqués aux points 11 à 14, Mme E... épouse C...n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision en litige, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
18. Ainsi qu'il a été dit au point 6, si la fille de Mme E... épouse C...nécessitait une prise en charge médicale, il ressort des pièces du dossier que le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, Mme E... épouse C...ne peut utilement soutenir que son éloignement dans un pays où sa fille ne pourrait accéder aux soins qui lui sont nécessaires méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
19. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire application des dispositions des articles R. 625-1 et suivants du code de justice administrative inutiles à la résolution du litige, que Mme E... épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 décembre 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
20. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... épouse C...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme E... épouse C...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
21. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ".
22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme E... épouse C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... épouse C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E...épouseC..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera également adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
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N°18MA01494
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