Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mars 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans le délai de dix jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
Le préfet des Bouches-du-Rhône a été mis en demeure de produire un mémoire en défense par lettre du 28 mai 2020, en application de l'article L. 612-3 du code de justice administrative.
La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du
24 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... ;
- et les observations de Me E..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 4 juin 1968, relève appel du jugement n° 1809046 du 13 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 septembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le certificat de résidence algérien qu'il avait sollicité en tant qu'étranger malade sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : ... 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays.(...) " et aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux demandes de titre de séjour formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. "
3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des différentes attestations médicales produites au dossier que M. A..., est affecté d'une rectocolite hémorragique, conséquence de la maladie de Crohn, d'un trouble anxio-dépressif, et qu'il a subi le 16 février 2018 une thyroïdectomie totale afin d'extraire un nodule révélant un adénocarcinome papillaire et vésiculaire. Pour traiter la rectocolite hémorragique, lui est prescrit du C... 2G, dont le principe actif est la mésalazine. Le trouble anxio-dépressif est traité par la combinaison de trois molécules : l'escitalopram 10mg, antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, l'oxazépam 50 mg, anxiolytique, et le zopiclone 7,5 mg, hypnotique. Enfin, le compte-rendu de la chirurgienne qui a pratiqué sur M. A... la thyroïdectomie au CHU - hôpital de la Conception, en date du 15 mars 2018, indique que ce dernier a quitté l'hôpital sous Lévothyrox 125 et que son état nécessite la réalisation d'une irathérapie sous Thyrogen.
5. M. A... soutient que le médicament commercialisé sous le nom de C..., et les molécules oxazépam et zopiclone ne sont pas disponibles en Algérie. Si les listes de médicaments existant en Algérie et publiées au journal officiel de la République algérienne, produites par M. A..., mentionnent la mésalazine, deux autres médicaments, l'oxazépam et le zopiclone n'y figurent pas. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est pas contesté par le préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été faite le 28 mai 2020, que la substitution de ces deux molécules par des traitements appartenant à la même classe de médicaments, anxiolytiques et hypnotiques, disponibles en Algérie, seraient indifférents, voire sans danger sur l'état de santé de M. A..., marqué par de multiples pathologies et qu'il pourrait, par suite, bénéficier effectivement d'un traitement approprié et complet en Algérie. Ainsi, en rejetant la demande de l'appelant tendant à la délivrance de son certificat de résidence mention " vie privée et familiale ", le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte appréciation de la situation de M. A... et a, de ce fait, méconnu les stipulations précitées du 7) de l'article 6, de l'accord franco-algérien.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. En l'absence de changement dans les circonstances de fait ou de droit, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. A... une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre à cette autorité d'y procéder, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
8. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, M. A... ne bénéficiant pas de l'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mars 2019 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 septembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience publique du 20 octobre 2020, où siégeaient :
M. Badie, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique le 3 novembre 2020.
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N° 19MA01860