Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 juin 2019 et le 7 août 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 mai 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 18 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché de l'incompétence de son signataire ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger a été méconnu car il n'a pas été préalablement informé par l'autorité administrative de la remise en cause de la validité des actes d'état civil qui lui avaient été présentés avant l'édiction de la décision contestée ; par suite, le contradictoire a été méconnu ;
- l'appréciation portée sur la validité des actes d'état civil le concernant est erronée ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait quant aux motifs pour lesquels le service de l'aide sociale à l'enfance a refusé de conclure un contrat de jeune majeur ;
- les décisions du 6 novembre et du 3 décembre 2018 par lesquelles le service de l'aide sociale à l'enfance a refusé de signer un contrat de jeune majeur étant illégales, l'arrêté attaqué, qui repose sur celles-ci, est lui-même entaché d'illégalité.
Par une décision du 12 juillet 2019, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à
M. C....
Une mise en demeure a été adressée le 2 mars 2020 au préfet du Var.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. G... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant guinéen, déclare être irrégulièrement entré en France le
24 octobre 2017. S'étant présenté comme mineur, il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département du Var. Il fait appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du
18 février 2019 par lequel le préfet du Var a refusé son admission au séjour au titre de l'article
L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
2. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 21 septembre 2018
n° 2018/24/PJI, régulièrement publié, le préfet du Var avait donné délégation à M. F... pour signer notamment tous actes et arrêtés relatifs à l'instruction des dossiers de demande et de renouvellement de titre de séjour des ressortissants étrangers des arrondissements de Draguignan et Brignoles. Cette délégation de signature habilitait son bénéficiaire à signer les arrêtés portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Par suite, contrairement à ce que soutient M. C..., en dépit de ce qu'il indique résider dans l'arrondissement de Brignoles, le sous-préfet de cet arrondissement n'était pas l'unique autorité compétente pour prendre la décision contestée. Par ailleurs, la circonstance que le préfet du Var ait également délégué sa signature au secrétaire général de la préfecture, lequel n'était pas absent ou empêché à la date de l'édiction de l'arrêté attaqué, est sans incidence sur la délégation de signature spécialement consentie à M. F... en matière de droit au séjour et de mesure d'éloignement. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait.
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. (...) ". Ces dispositions ne sont applicables qu'au cas où l'autorité administrative saisie d'une demande de délivrance d'un titre de séjour procède ou fait procéder à des vérifications de l'authenticité ou de l'exactitude d'un acte d'état civil étranger auprès de l'autorité étrangère compétente.
4. Contrairement à ce que soutient M. C..., ni l'expertise documentaire réalisée par les services de la Police de l'Air et des Frontières à la demande du service de l'ASE, ni l'expertise osseuse ordonnée par le Procureur de la République, ne constituent des modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger au sens de l'article 1er du décret du
24 décembre 2015. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu, faute pour le préfet du Var de ne pas l'avoir informé de la mise en oeuvre des dispositions citées au point 3.
5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " selon lequel " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dernières dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Var, après avoir sollicité l'avis des services de la police aux frontières, s'est fondé sur la circonstance que les documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande étaient entachés d'erreurs et de contradictions et n'étaient pas probants. Le préfet a alors considéré que ces documents ne permettaient pas d'établir que M. C... avait été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance alors qu'il était encore mineur.
7. Pour établir que la date de sa naissance est le 5 décembre 2000, M. C... a produit devant les premiers juges la copie d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 28 décembre 2016 par le tribunal de première instance de Boké en Guinée, ainsi qu'une copie d'un extrait du registre d'état civil de la commune de Boké comportant la transcription de ce jugement, effectuée le 12 janvier 2017. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'enquête des experts en fraude documentaire de la police de l'air et des frontières, que le document tenant lieu d'acte de naissance comporte des anomalies de forme, en ce que dans une même phrase la police et la taille diffèrent, sa mise en page révélant en outre la conception d'un document de manière artisanale, dans la mesure où l'emblème national situé en haut à droite est pixélisé et où le sexe de l'intéressé n'est pas déterminé : le (la) nommé(e). Par ailleurs, dans les deux documents, les dates qui, selon l'usage, doivent être écrites en lettres l'ont été en chiffres. Enfin, le délai légal de retranscription n'a pas été respecté. Le requérant a produit en appel la copie d'un autre jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance daté du 22 janvier 2019 et transcrit le 4 février 2019. A supposer que cette procédure puisse être réitérée par les juridictions guinéennes, l'authenticité de cette nouvelle pièce ne peut davantage être admise dès lors, en particulier, que l'âge des deux témoins qui attestent de la naissance de M. C..., qui sont les mêmes que ceux cités dans le premier jugement daté du 28 décembre 2016, n'a pour autant pas varié entre cette date et celle du 22 janvier 2019. Dans ces conditions, les documents produits ne sont pas de nature à établir le caractère authentique de l'acte de naissance de M. C... par transcription du jugement supplétif du 28 décembre 2016. Par suite, la copie de la transcription de ces jugements doit être regardée comme dénuée de caractère probant. En outre, la carte consulaire produite par M. C... qui constitue un document d'identité et de voyage mais non un document d'état civil, établie sur la base des documents d'état-civil précités, est dépourvue de caractère probant en ce qui concerne l'âge de M. C... lorsqu'il a été pris en charge par les services de l'Aide Sociale à l'Enfance. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet du Var s'est fondé sur l'absence de caractère authentique des documents produits pour justifier de sa naissance, pour rejeter, compte tenu de son âge, sa demande de délivrance du droit au séjour. Par ailleurs, il ne peut utilement se prévaloir de la conclusion, à titre exceptionnel, avec le service de l'aide sociale à l'enfance, le 15 juin 2020, d'un contrat de soutien apporté aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de 21 ans sur le fondement des articles L. 222-2 et L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, qui est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée qui est fondée sur la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code précité. Dès lors, l'intéressé n'établit pas que le préfet a commis une erreur de fait, une erreur de droit ou une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait quant aux motifs pour lesquels le service de l'aide sociale à l'enfance a refusé de conclure un contrat de jeune majeur et de ce que les décisions du 6 novembre et du 3 décembre 2018 par lesquelles le service de l'aide sociale à l'enfance a refusé de signer un contrat de jeune majeur étant illégales, l'arrêté attaqué, qui repose sur celles-ci, est lui-même entaché d'illégalité. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Toulon.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, où siégeaient :
- M. G..., président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
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N° 19MA02847