Par un arrêt n° 17MA01405 du 12 octobre 2018, la Cour a rejeté l'appel formé par
M. B... contre ce jugement.
Par une décision n° 426172 du 31 décembre 2019, le Conseil d'État statuant au contentieux saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., a annulé cet arrêt du 12 octobre 2018 et renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 mars 2017, le 27 mai 2020 et le
9 juillet 2020, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2017 ;
2°) d'annuler cette décision du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues du 9 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au conseil régional des pédicures podologues d'Occitanie et au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues de lui délivrer l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire sur le territoire de la commune du Barcarès, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la population surclassée pouvait au regard des circonstances géographiques locales être prise en considération ;
- au regard de la préexistence du cabinet secondaire qu'il a racheté à un confrère, il n'avait pas à solliciter la délivrance d'une autorisation ;
- l'article R. 4322-79 du code de la santé publique impose de prendre en compte les populations saisonnières et de passage pour apprécier les circonstances géographiques locales d'ouverture d'un cabinet secondaire ;
- la prise en compte de la population surclassée tant de la commune du Barcarès que dans un rayon de 20 kilomètres autour de celle-ci, laquelle inclut la population foraine de la commune de Leucate qui atteint 72 000 personnes, impose à l'ordre des pédicures-podologues de lui délivrer l'autorisation sollicitée ;
- le Conseil d'Etat n'ayant pas dit pour droit que la population saisonnière et de passage de la commune du Barcarès doit être fixée au quadruple de sa population permanente, la substitution de motif demandée par l'ordre national des pédicures-podologues n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2017 et le 1er juillet 2020, le conseil national de l'ordre national des pédicures-podologues, représenté par la
SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;
- au motif initial de la décision du 9 janvier 2015 doit être substitué le nouveau motif tiré de ce que, même en prenant en compte la population saisonnière et de passage de la commune du Barcarès, l'offre de soins est suffisante pour répondre à la hausse de la population sur le territoire considéré, outre que la population foraine exige seulement des soins ponctuels.
Par ordonnance du 3 juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 août 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. G... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., substituant Me D..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., pédicure-podologue, exerçant son activité dans un cabinet principal situé sur le territoire de la commune de Canet-en-Roussillon, a demandé l'annulation de la décision du 9 janvier 2015 par laquelle le conseil national de l'ordre des pédicures-podologues a rejeté son recours à l'encontre de la décision du 16 septembre 2014 par laquelle le conseil régional des pédicures-podologues du Languedoc-Roussillon a rejeté sa demande d'autorisation d'ouverture d'un cabinet secondaire sur le territoire de la commune du Barcarès. Par un jugement du 7 février 2017 n° 1502757, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues du
9 janvier 2015. Par une décision du 31 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 12 octobre 2018 par lequel la Cour avait rejeté l'appel de M. B... formé contre ce jugement et a renvoyé l'affaire devant la Cour pour qu'il y soit statué à nouveau.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 4322-79 du code de la santé publique : " Le lieu habituel d'exercice d'un pédicure-podologue est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil régional de l'ordre. / Toutefois la création d'un ou de plusieurs cabinets secondaires est autorisée si elle satisfait aux conditions d'exercice définies à l'article R. 4322-77 et lorsqu'il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l'offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la continuité des soins ". Pour l'application de ces dispositions, les besoins des patients et les nécessités de la continuité des soins doivent s'apprécier pour la population du secteur géographique considéré, y compris, le cas échéant, la population qui y est de passage ou celle qui y réside de manière saisonnière.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'observations de la chambre régionale des comptes d'Occitanie du 28 octobre 2013 pour les exercices 2013 et suivants produit à l'instance, qu'à la date de la décision attaquée du
9 janvier 2015, la commune du Barcarès comptait 4 108 habitants permanents selon le recensement INSEE de l'année 2013, population augmentée à 5 316 habitants pour l'année 2015, et qu'elle a été surclassée dès 1986 en tant que commune balnéaire et touristique dans la strate de 20 000 à 40 000 habitants, ce qui la place au troisième rang des communes des Pyrénées-Orientales compte tenu de sa population estivale moyenne. Ainsi, pour apprécier la légalité de la demande de M. B... d'autorisation d'ouverture d'un cabinet secondaire sur le territoire de la commune du Barcarès, il y a lieu de considérer que la population de cette commune durant l'été peut à tout le moins représenter le quadruple de la population des habitants permanents. Par ailleurs, il résulte également des éléments du dossier, que la population de la commune du Barcarès comptait 5 316 habitants permanents en 2015, soit 29% de plus qu'en 2011 et qu'elle a d'ailleurs été à nouveau surclassée par arrêté préfectoral du 22 août 2018, dans la catégorie des communes de 80 000 à 150 000 habitants.
4. En deuxième lieu, il est constant que la moyenne nationale retenue par le conseil national de l'ordre des pédicures-podologues est d'un cabinet principal pour 5 000 habitants. Il ressort également des pièces du dossier que la commune du Barcarès compte un cabinet principal, implantation qui permet de satisfaire aux besoins de soins de la population résidente de la commune du Barcarès, mais qui est insuffisante pour répondre aux exigences de soins de la population estivale séjournant dans cette station balnéaire.
5. L'ordre national des pédicures-podologues fait valoir il est vrai que 74 004 habitants résident dans un périmètre de 20 kilomètres autour de la commune du Barcarès et que
22 pédicures-podologues y exercent, soit un professionnel pour 3 364 habitants, ce qui serait suffisant pour assurer l'offre de soins des résidents permanents dans cette spécialité para-médicale sur le territoire considéré. A supposer qu'aucune difficulté particulière de circulation n'existerait pour se rendre de la commune du Barcarès vers les communes de ce périmètre, il n'est pas contesté que la population estivale de ce même périmètre augmente à proportion d'au moins quatre fois la population permanente, notamment parce qu'à elle seule, la population estivale de la commune mitoyenne de Leucate avoisine les 74 200 personnes. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nature des soins dispensés par les pédicures-podologues à la population foraine se distinguerait des soins pratiqués au bénéfice de la population résidente, notamment en ce qu'ils seraient occasionnels et limités à une ou deux séances maximum par exemple pour le traitement d'un ongle incarné, lequel soin relève à tout le moins d'une urgence certaine qui nécessite l'accès aisé et rapide à un professionnel, et ne comprendrait pas des interventions pour la suppression de cors et durillons douloureux, ou la rééducation de personnes opérées, ainsi que la confection de semelles orthopédiques et d'orthèses plantaires.
6. Dans ces conditions, l'offre de soins sur la commune du Barcarès ne peut qu'être regardée comme présentant une carence ou une insuffisance au regard des besoins de la population dans le secteur géographique considéré, au sens des dispositions précitées de l'article R. 4322-79 du code de la santé publique. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation sur les conditions d'ouverture d'un cabinet secondaire.
7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. Pour établir que la décision attaquée était légale, le conseil national de l'ordre des pédicures-podologues fait valoir en appel, que si le motif de la décision attaquée est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il n'a pas pris en compte la population saisonnière, cette décision ne repose sur aucune erreur d'appréciation, même en prenant en compte la population saisonnière. Dans la mesure où il n'invoque pas un motif qui diffère du motif initial, lequel est, ainsi qu'il vient d'être dit, entaché d'une erreur d'appréciation, cette prétendue demande de " substitution de motif " n'est pas de nature à fonder légalement la décision attaquée.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Eu égard au motif d'annulation il y a lieu d'enjoindre au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues de délivrer à M. B... l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire sur le territoire de la commune du Barcarès, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil national de l'ordre des pédicures-podologue demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 7 février 2017 et la décision du conseil national de l'ordre des pédicures-podologues du 9 janvier 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues de délivrer à
M. B... l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire sur le territoire de la commune du Barcarès, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le conseil national de l'ordre des pédicures-podologues versera à M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au conseil national de l'ordre des pédicures-podologues.
Délibéré après l'audience du 22 septembre, 2020 où siégeaient :
- M. G..., président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
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N° 20MA00171