Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2020, M. E..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler l'avis à tiers détenteur du 14 mai 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le titre exécutoire du 10 mars 2016 sur lequel l'avis à tiers détenteur attaqué est fondé ne lui a jamais été notifié ;
- le titre exécutoire du 10 mars 2016 est prescrit faute d'avoir reçu exécution dans les deux ans.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par la présente requête, M. E... relève appel du jugement du 30 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 12 205 euros résultant d'une notification de saisie à tiers détenteur du 14 mai 2018, correspondant à un indu de rémunération versé au titre de la période allant du 1er juillet 2012 au 1er septembre 2013.
2. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale (...) ". Par ailleurs, en l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration.
3. Aux termes de l'article 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement. Il a force exécutoire dans les conditions prévues par l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales. Le comptable public muni d'un titre exécutoire peut poursuivre l'exécution forcée de la créance correspondante auprès du redevable, dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution "
4. Les dispositions citées au point précédent ne subordonnent pas l'émission d'un avis à tiers détenteur à la notification du titre exécutoire correspondant. En revanche, comme il a été dit au point 2, il appartient à l'administration en cas de contestation de l'obligation de payer à l'occasion de la notification d'un acte de poursuite, tel un avis à tiers détenteur, d'établir que la prescription biennale prévue par les dispositions précitées de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, a été régulièrement interrompue.
5. En l'espèce, M. E... ne conteste pas la réception du courrier du 14 mai 2018 lui notifiant une saisie à tiers détenteur portant sur un indu de rémunération de 11 095 euros, majoré de 1 110 euros. En revanche, l'administration n'établit pas lui avoir notifié le titre de perception en date du 10 mars 2016 sur lequel la notification de saisie à tiers détenteur en cause est fondée. Certes, elle se prévaut d'une précédente saisie à tiers détenteur en date du 4 octobre 2017 dont il a été accusé réception le 3 janvier 2018, ainsi que d'une lettre de rappel du 13 juin 2016 et d'une mise en demeure du 27 juillet 2016 mais dont elle ne produit ni pour l'une ni pour l'autre l'accusé de réception. Dans ces conditions, alors que l'indu en cause porte sur la régularisation de cotisations salariales pour des périodes allant du 1er février 2013 au
1er septembre 2013 et du 1er juillet 2012 au 1er septembre 2013, la créance de l'administration était prescrite, le 14 mai 2018, le service ne justifiant pas que la prescription de deux ans a été interrompue. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la créance réclamée était atteinte par la prescription biennale prévue à l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 est fondé.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et la décharge de l'obligation de payer la somme de 12 205 euros résultant de la notification de saisie à tiers détenteur du 14 mai 2018.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2019, n° 1800956, du tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : L'avis de saisie à tiers détenteur du 14 mai 2018 réclamant à M. E... la somme de 12 205 euros est annulé et M. E... est déchargé de l'obligation de payer cette somme.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance chargé des comptes publics et à la direction régionale des finances publiques de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2020, où siégeaient :
- M. B..., président,
- M. Ury, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
N° 20MA01018 2