Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 octobre 2016 et le 16 février 2018, M. G..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 25 août 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2015 par lequel le président de la communauté d'agglomération de Bastia l'a suspendu de ses fonctions et la décision du 11 juin 2015 par lequel ce dernier a prononcé son licenciement ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de Bastia de le réintégrer dans ses anciennes fonctions, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Bastia la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 12 janvier 2015 est insuffisamment motivé ;
- sa situation n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la décision du 11 juin 2015 a été prise en méconnaissance de son droit à la communication de son dossier ;
- le motif tiré du cumul d'activités lucratives n'est pas établi ;
- il n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses responsabilités de chef de service ;
- la condamnation pénale dont il a fait l'objet ne pouvait donner lieu à sanction ;
- la sanction est disproportionnée ;
- cette décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2017, la communauté d'agglomération de Bastia, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. G... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2018 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., représentant M. G... et de Me E..., substituant Me A..., représentant la communauté d'agglomération de Bastia.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 12 janvier 2015 :
1. Considérant que la mesure de suspension prononcée par l'arrêté attaqué du 12 janvier 2015 a un caractère conservatoire et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu'elle n'est, par suite, pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté ;
2. Considérant qu'il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire ; qu'une telle mesure de suspension peut être prise lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la suspension de M. G... est motivée par les faits que l'intéressé a mis un agent communautaire à disposition d'une entreprise privée prestataire de services, a passé lui-même commande d'une prestation à une entreprise, a laissé un agent conduire un véhicule poids lourd alors que celui-ci avait été reconnu physiquement inapte à ce type de fonctions, qu'il a omis d'informer son employeur qu'il occupait des fonctions de gérant dans deux sociétés et qu'il a fait l'objet d'une condamnation pénale pour faits de violence avec usage ou menace d'une arme et détention non autorisée d'arme ; que ces faits sont corroborés par des courriers postaux ou électroniques et par la copie des statuts des deux sociétés précitées et du jugement en cause ; que, par suite, les faits retenus à l'encontre de M. G... présentaient, à la date du 12 janvier 2015 à laquelle sa suspension a été prononcée par le président de la communauté d'agglomération de Bastia, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier cette mesure prise dans l'intérêt du service ; que cette mesure n'est pas davantage entachée d'une erreur de droit ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 11 juin 2015 :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 37 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " (...) L'agent non titulaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (...). L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 29 avril 2015, le président de la communauté d'agglomération de Bastia a informé M. G... de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, en précisant la nature des faits qui lui étaient reprochés et en le convoquant à un entretien préalable pour le 13 mai suivant ; que ce courrier indiquait à l'intéressé, d'une part, que celui-ci aurait la possibilité de présenter des observations au cours de cet entretien, d'autre part, qu'il pouvait prendre connaissance de l'intégralité de son dossier individuel et en prendre copie au siège de la communauté d'agglomération ; que, par lettre du 4 mai 2015, M. G... a demandé à recevoir à son domicile copie de son dossier complet ; que par lettre du 7 mai 2015, l'administration l'a invité à venir consulter son dossier dans les meilleurs délais ; que, le 12 mai 2015, le requérant a présenté des observations écrites après avoir consulté son dossier la veille ; qu'en dépit du délai écoulé entre sa demande de communication de son dossier et cette consultation effective l'avant-veille de son entretien du 13 mai 2015, il conservait la possibilité d'exercer son droit de communication et de présenter des observations écrites ou orales jusqu'à ce que l'autorité disposant du pouvoir de sanction se soit prononcée le 11 juin 2015 ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du courrier du 12 mai 2015 mentionné au point précédent que le dossier disciplinaire qui a été communiqué au requérant comportait notamment une note du 23 mars 2015 et un courriel du 24 mars 2015 relatifs à la mise à disposition d'un prestataire privé d'un agent communautaire ainsi que des certificats déclarant un agent inapte à la conduite de véhicules poids lourds et un compte rendu établi par le requérant relatant des faits commis par cet agent au volant d'un véhicule relevant de cette catégorie ; que si M. G... soutient également que le dossier aurait aussi dû comporter les éléments réunis par son administration portant sur le grief tiré de ce qu'il n'avait pas fait respecter l'amplitude horaire applicable aux agents, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un document portant sur ce point aurait été élaboré ;
7. Considérant que, dans ces conditions, M. G... n'est pas fondé à soutenir
que la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet aurait méconnu les dispositions précitées de
l'article 37 du décret du 15 février 1988 ;
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. " ; qu'aux termes de l'article 36-1 du même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : (...) / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
9. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. - Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (...) " ;
10. Considérant que M. G... avait été recruté en dernier lieu par un contrat à durée déterminée d'une durée de trois ans à compter du 1er novembre 2013, en qualité d'ingénieur territorial, par la communauté d'agglomération de Bastia pour exercer les fonctions de directeur du service environnement et du centre technique ; qu'il est associé majoritaire et gérant statutaire d'une société civile immobilière de construction vente enregistrée en juin 2010 ; qu'il est également associé et gérant d'une société à responsabilité limitée enregistrée en septembre 2014 ayant pour objet social " le conseil et l'aide à la constitution de dossiers administratifs et plus généralement toutes opérations financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou à tous objets similaires ou connexes et susceptibles d'en faciliter le développement ou la réalisation " ; qu'il doit ainsi être regardé comme exerçant à titre professionnel une activité privée lucrative au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'il est constant qu'il n'en avait pas informé son administration ; que ces faits constituent une faute disciplinaire quand bien même la fonction de gérant occupée par l'intéressé ne serait pas rémunérée ou que le chiffre d'affaires réalisé serait nul ou faible, qu'il n'aurait pas été informé des dispositions précitées, que l'objet social des deux sociétés en cause n'entrerait pas en concurrence selon lui avec les compétences exercées par la communauté d'agglomération de Bastia et que d'autres agents employés par celle-ci se livreraient à des pratiques similaires ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes employés par les courriers de l'entreprise Petroni adressés à la communauté d'agglomération de Bastia et de la facture de 3 348 euros qui y est jointe que M. G... a pris l'initiative de faire réaliser par cette entreprise une prestation de plans et de métrage fournie le 27 octobre 2014 alors que la communauté d'agglomération soutient sans être contredite qu'elle souhaitait que cette tâche soit effectuée par ses propres services ; qu'en outre, un incident impliquant un agent affecté au service environnement a révélé que celui-ci conduisait ce jour-là un véhicule poids lourd alors qu'il avait été déclaré inapte à cette tâche par le médecin de prévention ; que M. G... a fait part de ses observations sur cet incident à sa hiérarchie sans relever cette inaptitude et remettre en cause cette affectation ; que s'il fait valoir qu'il n'était pas à l'origine de cette affectation, il ne produit pas le relevé des réunions auxquelles il participait et portant sur la répartition des tâches entre les agents chargés de la collecte utilisant des véhicules de cette catégorie ; que les fautes ainsi commises dans l'exercice de ses responsabilités de chef de service sont de nature à justifier une sanction ;
12. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration de se fonder sur des faits ayant motivé une condamnation pénale pour déclencher une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent ; que, par un jugement du 13 novembre 2014, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné M. G... à 18 mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme et détention non autorisée d'arme ; qu'il n'est pas établi que cette condamnation ne serait pas devenue définitive dans la mesure où il ressort d'un courriel du 10 décembre 2014 adressé par le greffe de ce tribunal à la communauté d'agglomération de Bastia que l'appel formé à son encontre émane du ministère public et qu'aucune pièce du dossier ne révèle que le requérant en aurait lui-même relevé appel ;
que si, aux termes de l'article 2 du décret du 15 février 1988, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, " Aucun agent non titulaire ne peut être recruté : (...) 3° Si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions (...) ", la circonstance que la décision ayant prononcé à l'encontre d'un agent une condamnation pénale aurait exclu expressément la mention de celle-ci au bulletin n° 2 du casier judiciaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative engage une procédure disciplinaire pour les faits ayant donné lieu à cette condamnation pénale et inflige, le cas échéant, une sanction mettant fin aux fonctions de l'intéressé de manière définitive ; qu'eu égard aux responsabilités confiées à M. G..., ces mêmes faits sont de nature à justifier une sanction, quand bien même il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient fait l'objet d'une publicité particulière ;
13. Considérant que, si les motifs de la décision du 11 juin 2015 tirés du dépassement par les agents du service dirigé par le requérant de l'amplitude horaire et du temps de repos et de la mise à disposition d'un prestataire privé d'un agent communautaire ne reposent pas sur des faits établis, il ressort cependant des pièces du dossier que le président de la communauté d'agglomération de Bastia aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur les motifs mentionnés aux points 10 à 12 ;
14. Considérant qu'en infligeant à M. G..., à raison des fautes caractérisées aux points 10 à 12, la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité, le président de la communauté d'agglomération de Bastia n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de Bastia, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. G... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération de Bastia ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : M. G... versera à la communauté d'agglomération de Bastia la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G... et à la communauté d'agglomération de Bastia.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 avril 2018.
N° 16MA04017 2